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On jase : L’imprimé-(navajo)-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom

Pour celles qui, tout comme moi, passent au moins une heure par jour à lire Jezebel/Gawker/and stuff, vous comprenez la blague. Sinon, bien voici un récap :

À la suite d’un formel avis légal nié-puis-admis-par-la-porte-d’en-arrière, Urban Outfitters a dû renommer tous ses produits portant le label Navajo. Puisque la nation autochtone a enregistré son nom (et ses déclinaisons) en plus de copyrighter ses produits artisanaux traditionnels, il est interdit aux États-Unis de vendre un produit X Navajo sans qu’il ait été licencié ou fabriqué par cette dernière. En date du 1er mars 2012, la chaîne et la nation Navajo se disputent toujours sur le trademark et les arts & crafts en Cour.

 

Comparons ça à une A.O.C, une appellation d’origine contrôlée. Dans la vie, tu ne peux pas vendre du jambon de Bayonne (ou de l’agneau de Charlevoix, ou etc) si ton cochon ne naît et meurt pas dans la région de Bayonne. Avec ça, tu dois respecter des normes de production très strictes à l’image des méthodes traditionnelles. Autant le produit en tant que tel que l’utilisation du nom sont protégés.
Maintenant, on peut fermer cette appétissante parenthèse foodie pour revenir pour revenir à nos moutons (hahaha). Face à ce problème légal, UO changea en une nuit le nom de ses produits. Bye bye Navajo, bonjour « Printed Hipster Panties ». On ne peut manquer de faire le lien avec l’utilisation du mot tribal comme descriptif mode. Nous l’avons vu à quelques reprises, comme chez Josiane qui nous a fait connaître les tendances tribales du printemps. Évidemment, ce mécanisme d’appropriation n’est pas unique à la mode et est surtout vieux comme le monde. Toutefois, je crois qu’il ne faut pas nier le capital politique lié aux motifs ethniques.

Je ne sais pas si vous me voyez venir, mais oui, j’éprouve un malaise à voir une telle porter une jupe Navajo sans savoir d’où ça vient et ce que ça représente. C’est comme porter un t-shirt du Che made in Bangladesh juste parce que t’as 16 ans et que t’es vraiment fru. Il y a également un clash typique de notre époque d’image des ouvriers mal-payés au Vietnam tissant des imprimés traditionnels autochtones de l’autre bord de la planète.

Le problème n’est pas de s’afficher avec un imprimé ethnique, mais plutôt la valeur que nous y accordons. À ce sujet, la couture joue sur un autre niveau, puisque le luxe offre une place toute particulière à l’artisanat. Par exemple, dans la collection A-H 2011, la marque Proenza Schouler dit ouvertement s’être inspirée des motifs southwestern . Voilà la nuance, on *s’inspire* pour créer à son tour, pour incorporer une culture (& ses traditions) à un processus artistique qui ne vise pas la commercialisation de masse avant tout.

Pour de vrai, j’y vois un problème éthique. Notre modèle culturel dominant (pis son tout petit fond colonialiste) a tendance à prendre le meilleur des autres cultures pour le recracher n’importe comment. On pourrait probablement faire passer du tissage XYZ pour un imprimé Navajo, Blackfeet, Innu, Aztec, martien ou Serbo-croate tellement nous en savons peu sur les autres. Considérant le tort historique que la colonisation de l’Amérique a fait aux nations amérindiennes, et considérant les problèmes sociaux et le chômage qui en résultent des générations après, la moindre des choses serait de faire valoir ces techniques en s’approvisionnant directement chez les concernés. Ou de méditer sur le sujet en tricotant ses propres hoodies à motif Navajo, genre. Ou en trouvant des modèles vintages sur Etsy.

Et PAR PITIÉ, ne faites pas comme le Vogue Italie en appelant des boucles d’oreilles créoles des slave earrings. Come fucking on.

le crying indian, mon image culturellement wrong pref’

Est-ce moi qui est culturellement frileuse?
Est-ce que la mode est plus politique qu’elle le pense?
On veut votre opinion!

J’en profite pour faire une plogue vraiment gratuite à mon émission de radio pref’ : les chemins de travers. Serge Bouchard, awesome anthropologue et fan #1 des Premières Nations, a consacré plusieurs heures sur le sujet, alternant entre invités intéressants et musiques vraiment wild. Le site de l’émission est ICI. Je vous suggère de consulter le calendrier en bas de la page, les émissions sont représentées par un chiffre rouge.

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