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Nos casseroles, c’est le nouveau noir

 

Par les temps qui courent, les rumeurs montréalaises n’ont rien à voir avec celles des autres printemps.

«Eille! Yé 8 heures! Ça te dérange-tu si je t’emprunte une casserole pis que j’vais taper un peu avant le souper?»

«Salut! On se rejoint-tu à 8 heures coin Saint-Denis Mont-Royal pour varger a’c le monde? Come on viens donc, j’te prête mon moule à muffins!»

«Scuse madame, t’as-tu un bol, une cuillère, que’q chose dans cuisine que j’aille taper su’a terrasse? Ça te dérange pas? M’a te laisser full tip! T’es fine thanks.»

«Oui, oui ma chouette, on va aller taper dans la rue avec les gens – mais p’têtre juste pas avec la Lagostina de maman, tokay?»

«Klong Kling Klong Klong Kling KlongKlong Kling KlongKlong Kling KlongKlong Kling KlongKlong Kling KlongKlong Kling KlongKlong Kling Klong !»

Montréal vit son plus beau printemps depuis longtemps. Au bruit dissonant de la ferraille rabattue à coeur de crépuscule. Montréal sonne tout croche, et ça m’émeut quelque chose de rare. Après quatre mois de manifestations, de bisbille violente, de « casse », de dissensions, d’injures et de bonne/mauvaise presse, le cynisme qu’on aurait cru dissipé par le militantisme ambiant planait à nouveau dans l’air. Marre de la mauvaise foi, marre des chicanes de famille. Marre de ne rien foutre sous le soleil d’avril en étirant les prêts et bourse; marre de beugler dans les rues. Marre d’être ignorés, incompris, bafoués. Marre de se victimiser, aussi. Marre des tribunes libres de merde et des radios poubelles. Marre d’André Pratte, marre de l’autre troufion qu’on ne nommera pas. Marre de l’incompréhension, des arrestations arbitraires. Marre de la lutte constante et éreintante. Marre des accrocs de rue. Et des gueules en sang.

Il y a eu l’échec des négo. Une, puis deux, puis trois fois. L’arrogance, la démission de la Ministre, son remplacement par une Courchesne semi cadavérique, réactionnaire et probablement frigide (Woups! ‘scusez là)…

L’obsession ridicule anti GND dans les médias à sensation; la saga du carré rouge, honni pour sa connotation soi-disant violente. Puis les affrontements et les dents qui volent en éclat. Un beau foutoir de frustrations en tous genres, dirait-on.

Et avec la Loi 78, le bâillon; le cul-de-sac, on aurait pu croire la reddition imminente… Sauf qu’un soir de mai, un brave type soucieux de ne pas voir son Québec se faire enfoncer une matraque là où je pense a décidé de troqué son pavée pour une casserole. Je dis souvent que le Québec s’est construit à coup de petites histoires. Celle-là fait partie de nos plus belles.

Au son du métal rabattu, le Québec encore s’est levé. On ne parle plus de hausse, de grève, de rien. Rien que: «Klong Kling Klong Klong Kling Klong Klong Kling Klong», et ça dit tout.

Le Québec fait du bruit. Le Québec désobéit.

***

Sérieusement, on jase là, mais la casserole est probablement l’accessoire le plus trendy de la saison printemps/été 2012. Tout Montréalais ayant saisi la vibe sur laquelle on surfe a nécessairement une casserole sous la main quand sonnent 20 heures. Pour une fois, je me sens dans le coup avec ma batterie de sacoche pour bien tapocher.

Les happy hours les plus cool ne se déroulent plus sur les terrasses branchées-casual du Mile-End; mais bien sur les balcons de la ville entière.

Et surtout dans la rue.

J’vous l’dis moi: Casserole iz the new black!

Je rigole, certes, mais si vous saviez à quel point ça me fait chaud au coeur de voir les gens sur leurs perrons, dans les rues, dans leurs autos, sur les terrasses faire du boucan à tout rompre pour signifier que le peuple vit encore et qu’on ne s’en laissera pas imposer. Les casseroles résonnent tout acabits et d’un perron à l’autre s’échangent des regards complices. «Même combat, l’ami!»

Sérieusement, c’est quand la dernière fois que vous aviez regardé votre voisin de pallier et que vous aviez eu envie de dire «nous»? Ça, c’est du grandiose. À petit coup d’histoires grandioses, que je disais. Ouais.

On va le mener ensembles, ce front-là. Parce que le Québec, c’est tout sauf du monde qui s’en fout. La résilience, ce n’est pas dans notre nature. Faut-il qu’on s’en souvienne?

On ne change peut-être pas le monde avec des casseroles, mais on y pense un peu plus entre chaque Clin-Clin.

Allez, on se revoit sur les perrons.

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