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Alice au pays des stéréotypes

Auteur: Sonia Ghaya
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Alice au pays des stéréotypes
Crédit: http://scd.france24.com/fr/files_fr/imagecache/france24_ct_api_bigger_169/article/image/alice-arabie-saoudite.jpeg

La chaîne américaine ABC Family a annoncé la venue d'une toute nouvelle série dramatique pour adolescents intitulée Alice in Arabia (Alice en Arabie) écrite par Brooke Eickemeier, une linguiste spécialisée dans la langue arabe travaillant au sein de l'armée américaine. Le dessin animé a été vivement critiqué sur les réseaux sociaux, les internautes le qualifiant de raciste et d'islamophobe. Dû à la vague de protestations provoquée par le titre et le synopsis, la chaîne a décidé de retirer Alice in Arabia de sa programmation. 

Tempête dans un verre d'eau ou controverse justifiée ?  

First things first, un petit aperçu du synopsis :

Alice MacFarland, une jeune adolescente aux orgines mixtes (américaine / saoudienne) est enlevée, suite à la mort de ses parents, par son grand-père Abou Hamza et amenée en Arabie Saoudite. Alice se trouve étrangère dans un monde nouveau, mais est intriguée par ce qu’il a à offrir et les gens qu’elle trouve étonnament variés quant à leurs vision du monde et de sa situation. Devenue quasi-prisonnière dans l’enceinte royale de son grand-père, Alice doit compter sur son esprit et son sens de l’indépendance pour trouver un moyen de rentrer chez elle, tout en tentant de survivre derrière son voile

Ce qui cloche :

1) Le titre. L'Arabie n'est pas un pays. Ici, le néologisme fait référence à la communauté arabo-musulmane, réduisant une culture complexe à un simple ramassis de stéréotypes faciles à assimiler par le spectateur. Grosso modo, pourquoi changer une formule gagnante, même si elle est erronée. Parce que c'est connu, toutes les femmes arabes sont musulmanes, voilées et soumises, tandis que, les hommes sont barbus et servent tous Al- Quaïda… #facepalm. Comme le souligne Abed Ayoub, directeur du Comité américano-arabe contre la discrimination, « les arabes sont toujours représentés comme un des 3B : billionaires, bellydancers or bombers – milliardaire, danseuse du ventre ou poseur de bombe -.» À cet effet, la série d'Eickemeier ne fait pas exception.

2) En parlant de femmes voilées, plusieurs musulmanes se sont indignées sur Twitter
(hashtag #AliceinArabia) rétorquant que le « voile n'est pas une prison », comme le suggère le fameux synopsis. Elles ne sont pas non plus « completely formless, anonymous », citation que l'on retrouverait dans le scénario, selon une copie qui est tombée entre les mains du blogue BuzzFeed. Évidemment, lorsqu'une femme porte le hijab, elle est automatiquement vidée de toute personnalité, jugement et intelligence #petitvomidanslabouche. Sans compter les erreurs qui se sont glissées ici et là portant préjudice aux moeurs de la communauté. Par exemple, l'auteure confond l'abaya, robe traditionnelle, avec le voile intégral. Pas fort de la part d'Eickemeier, qui en plus de ses fonctions de linguiste a aussi été en mission plusieurs fois au Moyen-Orient.

3) Selon le Dailymail, le grand-père d'Alice, Abou Hamza porterait le même nom que le terroriste Abou Hamza al-Mouhajer ancien chef d'Al-Quaïda en Irak. Coïncidence ? Don't think so.  

4) Ah oui ! Sans oublier qu'Alice in Arabia se veut un remake d'Alice aux pays des merveilles de Lewis Caroll. MALAISE. De plus, le format « dessin animé » me rend perplexe. Rendre l'histoire en dessin animé a pour effet d'infantiliser le récit et de le rendre accessible à un public en bas âge qui n'a ni la maturité ni les connaissances pour comprendre le propos dans son ensemble. DOUBLE MALAISE. 

L'auteure Brooke Eickemeier défend son projet en déclarant qu'elle a voulu donner une voix aux musulmans via le petit écran américain. Elle ajoute même que les critiques sont injustifiées et reflètent une complète fermeture d'esprit de la part des indignés. Oh really?


Crédit photo :  netdna-cdn.com
 

Ce qui me dérange le plus dans toute cette histoire, c'est les commentaires/débats qui ont suivi le retrait de l'émission. D'après certains internautes, les musulmans sont responsables de l'image véhiculée par les médias et les instances culturelles. Qu'il relève de la responsabilité de la communauté arabo-musulmane de changer la donne. Oui, bien sûr, mais faudrait aussi qu'on puisse nous laisser cette chance, t'sais. 

De plus, je ne vois pas de mal à vouloir qu'une communauté ne soit pas réduite qu'à une représentation clichée basée sur les agissements d'un microgroupe. Il serait temps de voir un peu plus loin que le bout de son nez. Une vue d'horizon serait bien appréciée. Autant aux États-Unis qu'ici au Québec, soit dit en passant.

Et vous, qu'en pensez-vous ?

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