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Le pourquoi du comment du djihadisme féminin.
Crédit: http://www.ac3m.org/wp-content/uploads/2013/08/faTWA.jpg

Disclaimer : ce billet ne se veut pas un texte de position, même si je n'ai pas pu m'empêcher d'y ajouter mon grain de sel. Il tente d'expliquer un phénomène qui prend de plus en plus d'ampleur et d'importance à travers le monde. Je pense naïvement que pour comprendre notre univers, il faut s'éduquer, lire, apprendre et remettre en question. Tout est rarement blanc ou noir dans un conflit comme celui auquel plusieurs pays font face ces derniers mois, voire ces dernières années. Il est primordial de comprendre ces zones grises pour se forger une opinion. 

Si le phénomène ne date pas d'hier, force est de constater qu'il attire de plus en plus de femmes dans son rang. Depuis le Printemps arabe, le discours promulgué par les djihadistes a tranquillement changé. Du rôle de messagère de la vérité, la femme musulmane s'est fait attribuer ces dernières années celui d'alliée de l'homme, complémentaire à ce dernier, comme le souligne Géraldine Casutt dans un entretien avec swiissinfo

« […] Le fait que les femmes n’apparaissent pas en pleine lumière ne signifie pas qu’elles sont absentes. Elles peuvent apporter leur soutien aux moudjahidin dans un combat qu’elles partagent, que ce soit en les accompagnant en Syrie en tant qu’épouse, mais aussi en entretenant la propagande djihadiste en Europe, notamment sur internet […] On observe sur les réseaux sociaux des images de femmes portant le niqab et la kalachnikov, et encourageant à la lutte. Dans le djihad, cependant, la fonction première des femmes n’est semble-t-il pas de combattre, mais de rester dans l’ombre du combattant comme épouse, comme mère, et d’être un pilier de la famille. »

Le mouvement gagne en popularité et il est de plus en plus fréquent que de jeunes femmes, parfois même adolescentes, quittent l'Europe pour la Syrie, dans le but de défendre la cause de l'Islam. La propagande radicale sur les réseaux sociaux se fraye facilement un chemin dans les contrées autres que musulmanes et attire une majorité de femmes à rejoindre ledit mouvement et à se tourner vers la religion. Selon David Thompson, auteur du livre Les Français jihadistes, il explique qu'il existe trois situations où l'on observe ce genre de comportement. La plupart vont rejoindre un djihadiste français en Syrie avec en tête une promesse de mariage. D'autres partent avec la marmaille en soutient au mari, qui décide d'aller au combat, tandis que certaines se marient en sol français avant de poser pied en Syrie. Dans les trois cas, elles espèrent toutes que ce choix leur ouvrira les portes du paradis éternel. 

D'un autre côté, il existe aussi une brigade du nom d'Al Khansa (grande poète connue du monde arabe) qui compte déjà environ 50 combattantes. Au départ, cette armée constituée de jeunes femmes aux origines ethniques multiples provenant de différentes classes sociales servait aux procédures de fouilles aux checkpoints de l'État islamique. Puis la brigade est devenue, par la force des choses, une vraie milice armée qui parcoure les rues, punissant les infidèles et celles qui refusent de se conformer aux diktats de l'EI. 

Outre les convictions religieuses et idéologiques, plusieurs femmes rejoignent Al Khansa pour des raisons économiques. En effet, en échange de leurs loyaux services, elles reçoivent une compensation salariale équivalente à 200 $ par mois. Étant le pilier de la famille, durant le départ de l'homme au combat, cette rémunération constitue un revenu important leur permettant de survivre en temps de crise. De plus, avec l'augmentation des crimes de guerre (viols, abus, etc.), ces femmes ont vu en la brigade une manière d'apprendre à se protéger et du même coup de protéger leur famille. 

On en vient à se demander sur quoi repose la popularité de ce mouvement. Pour ces femmes, rejoindre le jihad vient à faire un pied de nez à cette image de la femme musulmane oppressée que véhiculent les médias traditionnels. Au contraire, elle puise dans ce nouveau rôle une émancipation personnelle et féminine. Elles se présentent comme étant des femmes fortes, en contrôle, prêtes comme l'homme à mener une lutte armée. Un message qui en séduit plus d'une sur les réseaux sociaux. Il faut savoir que plus de 80 % du recrutement se fait via les Internets. 

Instrumentaliser le mouvement féministe et manipuler ces femmes pour justifier et encourager une guerre violente servant peu d'intérêts, causant, pauvreté, morts et chaos me rend extrêmement mal à l'aise. Que la Syrie soit dépeinte comme un Eldorado, comme une promesse, comme une récompense, me jette à terre. Dans cette propagande idéologique, il n'est ni question des enfants qui meurent à chaque jour, otages de cette guerre, ni de ces familles qui fuient leur terre natale, dans l'espoir de sauver leur peau. 

Par ailleurs, je désole qu'il aille fallu une guerre pour que ces femmes prennent position, prennent place, se fassent entendre et connaître du reste du monde. Je trouve dommage que cette force féminine passe à travers le sang, le port d'une arme, la violence, la mort. C'est un élément déclencheur dont on aurait bien pu se passer.

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