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Bravo pour ton année sans coke.

Auteur: Josiane Stratis
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Bravo pour ton année sans coke.
Crédit: Pony

Il ne me reste pas beaucoup d'amies du secondaire. Oui, je parle à quelques-unes d’entre elles des fois, mais pas souvent. Je me suis fait de super bonnes amies au cégep. Celles-là, elles ont une place spéciale dans mon cœur. Genre, pas besoin qu'on s'appelle toutes les semaines pour savoir si on est amies ou pas.
 
On s'est rencontrées en première année de cégep. C'était vraiment une année le fun. Tripante. On buvait presque 4 jours sur 7. Un horaire établi parce qu'on voulait être partout, tout le temps. Dans notre tête c'était ben chill. En y repensant, c’était trop. Peut-être que dans le temps, ça ne se faisait pas de dire qu’on avait des issues pis qu'on feelait moyen, fait qu’on buvait pas mal.
 
Puis, on consommait d'autres affaires dans des occasions spéciales. On a essayé ben des trucs, mais dans ma tête, on ne tomberait jamais dans la coke. On trouvait ça un peu loser.
 
Quand on était presque toutes à Montréal, on s'est fait pas mal d'ami(e)s. On était quand même une gang de drôles. Pis on se faisait remarquer parce qu'on allait partout (encore) et qu'on prenait quand même de la place. On s'est donc fait d'autres amis.
 

 
Je ne sais plus c'est quand que tu as pris de la coke la première fois, mais je ne m’en suis pas rendu compte. Je pense que tu savais que je ne te jugerais pas, parce qu'on essayait de ne pas se juger entre nous. Mais tu savais à quel point je haïssais ça, la coke.
 
Une fois ça m'a frappée. Je sais plus si je te l'ai dit. Tu étais une fille de party et moi aussi. Moi je buvais comme un trou et toi, ta job te permettait de veiller plus tard. D’aller dans les after. Je pense que c’est là que j’ai commencé à avoir mon problème qui faisait que quand j’arrêtais de boire, je m’endormais partout. Je n’allais pas dans les after, sinon j'y dormais. C’était crissement awkward si tu te souviens bien. 
 
Je me suis rendu compte que ce n’était pas bon pour toi quand tu as commencé à travailler avec des filles qui m'inspiraient un mauvais feeling. À la place de te le dire calmement quand je voyais que tu changeais, je traitais tes amies de connes. De jeunes. Pis d'épaisses. Je les trouve encore épaisses, parce qu'elles ont pris ta main et t'ont crissée sur une autoroute dont tu ne pouvais plus sortir.

En fait, je me sens mal parce qu'à la place de les haïr, j'aurais dû te demander comment tu allais. J'aurais dû essayer de comprendre quel mal-être il y avait en dedans de toi pour que tu te retrouves là.
 
Un jour, j'étais à Coachella un peu sur la puff et Carolane m'a appelée. J'ai pleuré parce que tu venais de te claquer une bouteille complète d'Advil. J'ai pleuré dans un décor paradisiaque parce que je voulais venir te rejoindre tout de suite et aller te voir. Mais on m'a dit que tu n’étais pas morte. Tu es sortie de l'hôpital et on n’avait pas le droit vraiment de venir te voir. Mais ça m'a fait vraiment de la peine. Ça m'en fait encore. Parce que je vois comment tu étais, jammée sur l'autoroute. T’as essayé de te mettre sur l’accotement pour demander de l’aide pis tu t’es fait ramasser par un truck.
 
On s'est un peu perdues de vue, mais tu as continué les traditions : les fêtes de l'une et de l'autre et Noël. Puis on est tombées enceintes. Carolane t’a nommée marraine de sa fille et je pense que peut-être ça t’a montré à quel point on tenait à toi. C'est dur de dire je t'aime quand on ne sait pas comment dealer avec la souffrance de l'autre. 
 
Un moment donné tu as vu une sortie et tu l'as prise. Disons que tu as fait un move dangereux parce que tu devais passer pas mal de voies sans faire tes angles morts. Tes amis te disaient de continuer sur cette autoroute du démon, mais toi tu as fait le bon choix.
 
Hier, mon cœur, ça a fait un an que tu as arrêté de consommer. Je voulais le souligner en grand. T'écrire ça en public pour montrer à quel point je suis fière de toi. Comment tu t'es prise en main comme une grande. Comment tu as été capable de prendre un autre chemin.
 
Pis même si on ne se parle pas tous les jours, je suis contente que tu sois encore avec nous, encore en vie en fait, parce que tu aurais bien pu crasher sur un moyen temps à la vitesse où tu roulais.
 
T'as repris ton vieux char mauve, celui avec le lecteur avec une drôle de cassette qui se branchait dans la radio pour écouter de la musique. Pis c'est la meilleure décision que tu as prise de ta vie.

Je m'excuse de ne pas t'avoir écoutée, j'étais dans mes problèmes à moi pis mes béquilles. Je tenais à te le dire aussi. J'aurais dû être là, m'ouvrir les yeux plus vite à la place de boire une bière de plus pis être en tabarnak. Je suis toujours là. Pas physiquement TOUJOURS là (ça serait un peu gênant), mais là, je suis là.
 
Je t'aime.
 
Pis j'hais encore plus la coke, mais c’est toi qui as été plus forte qu'elle.
 
Josiane (pis Carolane, parce que t'sais)

***
 

Si votre consommation vous gosse ou que vous voulez changer les choses pis vivre sans ça, il existe des ressources. L’étape la plus difficile, c’est d’appeler et aller chercher de l’aide une première fois. C’est vous qui choisissez quand vous êtes prêts. 

Il existe plusieurs pistes pour vous aider. Cocaïnomanes anonymes (CA), Narcotiques anonymes (NA), les centres de réadaptations publics. Il y a autant de chemins pour s'en sortir que de gens qui vivent des difficultés. Il faut juste trouver ce avec quoi on est à l'aise. Ça peut être la psychologue pas chère de l'université, un programme d'aide aux employés ou une travailleuse sociale de CLSC (qui sont très rapides à l’urgence psychosociale).
 
À Montréal, le centre de réadaptation en dépendances public c'est le centre Dollard-Cormier. Vous pouvez le consulter si la dépendance d’une autre personne vous affecte.

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