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Mon utérus, mon choix : le danger d’attendre.
Crédit: Sandrine Henkinbrant

Une amie m’a demandé si j’étais enceinte une fois sur Twitter. J’ai ri, parce que je pensais que non. J’ai googlé les symptômes, me cachant la tête dans le sable. Le premier symptôme, c’était que ma petite voix intérieure était sensée me dire que j’étais enceinte. Je l’avais étouffée avec de l’alcool, mais en lisant ce « symptôme », j’ai su.
 
Le lendemain, je me suis acheté un test de grossesse. J’ai pissé sur mes doigts et sur le test et j’ai pleuré. Parce que ce n’est pas vrai que ça prend quelques minutes, voir le résultat. Ça a prit trois secondes. J’ai tellement pleuré.
 
On voulait pas de bébé tout de suite. Anyway, la situation n’était pas vraiment optimale. Quand je l’ai dit à mon chum, il est resté muet pendant des heures. Et moi, je pleurais encore.
 
Je ne pleurais pas parce que je voulais avoir ce bébé-là, mais parce que je venais de me rendre compte que j’étais fertile pis que c’était quand même un choc. J’ai pris trois semaines pour prendre ma décision. Ça aurait été tellement plus simple que ça sorte tout seul.
 
Je me suis fait avorter le 30 mai 2012 et je n’oublierai jamais la date. Les trois semaines que j’ai passées enceinte m’ont fait réaliser ben des affaires. Surtout que j’avais besoin d’aide pour comprendre le geste et pour comprendre que c’est la seule solution parfois.
 
Après ça, je dealais mal, même si je voyais une psy une fois par semaine. J’avais de la peine et je la buvais chaque soir.
 
Décembre 2012, je fais un test de grossesse après avoir perdu connaissance dans mon cours. J’ai un anneau contraceptif dans la ploune au même moment. Apparence que les contraceptifs n’ont pas encore fonctionné. C’est le temps des fêtes. Je me dis que je vais me faire avorter après Noël.
 
En prenant un rendez-vous après les fêtes, j’apprends que c’est la période la plus occupée. J’ai un rendez-vous le 16 janvier. Je passe une échographie. Je suis enceinte de 16 semaines. À 16 semaines de grossesse, c’est une intervention plus complexe. Il y a juste de la place deux semaines plus tard. 18 semaines de grossesse, c’est presque la moitié d’une grossesse typique. Je décide de garder le bébé. C’est Arthur.
 
Une chance que j’avais les outils nécessaires pour dealer avec une maternité qui m’est (littéralement) tombée dessus et un bébé à venir, malgré un statut précaire de travailleur autonome et étudiante.
 
Le plus difficile, pour moi, dans toute cette histoire-là, c’est que même si j’adore mon enfant, je n’ai pas senti que j’avais le choix. Un avortement, ça doit se faire rapidement. L’accès est déjà crissement sketch.
 
Que ce soit en région, où les femmes doivent faire 5 heures de route pour se faire avorter de façon invasive, même si elles sont à 6 semaines de grossesse. Elles sont faciles à trouver ces régions-là, elles ont le plus grand taux de fille-mère au Québec.
 
Que ce soit avec le fait que la pilule abortive n’est pas encore disponible.
 
Que ce soit avec le fait que les cliniques d’avortement sont toujours pleines.
 
L’accès à l’avortement N’EST PAS disponible comme on peut le penser. Et réduire ces services, même si ce n’est pas de beaucoup, c’est donner un obstacle supplémentaire aux femmes qui vivent déjà un moment difficile.
 
Cher gouvernement Couillard, s’il y a bien une affaire que tu ne peux pas toucher, c’est l’accès à l’avortement. Parce que ce n’est déjà pas facile à faire comme geste. Parce que c’est une décision qui prend du temps. Et parce que tout le monde devrait avoir le droit à un vrai libre choix. 

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