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Jasons culture du viol avec Manon Massé.
Crédit: Manon Massé/Facebook

Pas besoin d’être calées en politique québécoise pour savoir que Manon Massé est la Robin des bois des politiciennes. Depuis ses débuts en tant que travailleuse sociale, elle bûche pour défendre les plus démunis de la société, tout particulièrement les femmes. Alors quand Françoise David lui a cédé sa place comme critique de la Condition féminine le 8 mars 2015, il ne s’agissait que de la continuité de ce vers quoi Mme Massé avait tendu toute sa vie. J’ai eu l’occasion, la chance, l’honneur (!!!) de m’entretenir avec elle de cette culture du viol qu’elle ne cesse de dénoncer, tout comme TPL (high five, Manon!).  

Dans un article du Huffington Post, vous disiez douter que certains ministres reconnaissaient l’existence de la culture du viol. Que vouliez-vous dire?

Quand on parle de culture du viol, il y a bien sûr l’acte d’agression qu’on reconnaît, le viol en tant que tel. Mais quand on parle de culture, on parle de tout ce qui est posé (ou pas) comme geste qui banalise les rapports de violence homme-femme ou discrédite les propos d’une femme qui prend la parole. On n’a qu’à se rappeler le graffiti appelant au viol de la porte-parole de l’ASSÉ pour la faire taire.  
 

Crédit : Huffington Post
Le mot viol était utilisé, mais quand on parle d’une culture du viol, c’est l’ensemble des gestes qui sont posés et qui sont légitimes.

À l’Assemblée nationale, le rapport homme-femme n’est pas des plus égalitaires. Dans la structure des débats, les rapports hiérarchiques, quelque chose de structurel encourage les rapports de pouvoir entre les gens et, éventuellement, les rapports de pouvoir homme-femme.

Ça m’a beaucoup frappée en début de mandat comment, en période de questions, plus les gens haussent le ton, plus ils ont l’appui de leur parti. Ici, c’est une culture de combat, comme si on était en guerre. Il faudrait écouter n’importe quelle session de questions pour voir à quel point je n’exagère pas.

Vous seriez aussi surpris de voir combien, quand c’est une femme qui parle, le parti en face cahute, fait du bruit, fait des mimiques. Ce sont toutes des techniques d’intimidation. On a eu aussi le caquètement de M. Barrette. Dans les faits, ça arrive souvent ce genre de choses, même si ça ne sort pas souvent dans les nouvelles.
 

Crédit : Huffington Post
Diriez-vous que c’est plus difficile pour une femme que pour un homme de faire sa place en politique?

Pour n’importe quelle femme qui arrive à l’Assemblée nationale, pour arriver à faire notre place, ce n’est jamais facile. Encore aujourd’hui, il y a trop de propos de mononcle. Genre, « Ouin, t’as mis ton beau décolleté aujourd’hui! ». Ce sont des éléments de banalisation.

Juste quand une femme dit : « Hey, je ne veux pas que tu me parles comme ça, je n’aime pas ça »,  les gens autour vont dire « Ben voyons, t’es ben susceptible, tu sais ben comment il est! ». C’est ce genre de banalisation à laquelle on réfère quand on parle de culture du viol. Ça finit par faire qu’il y a des gens qui se sentent légitimes d’écrire sur un  mur qu’on peut violer une leader politique pour qu’elle se taise et retourne chez elle.

De quelle façon prévoyez-vous combattre concrètement cette culture du viol? Parce que c’est ancré dans la culture populaire depuis des siècles…

Je vous dirais même depuis des millénaires! C’est ça le paradoxe : on s’élève très rapidement contre plein de choses, comme les musulmans, mais allez à la Cage aux Sports un soir de hockey faire taire les propos sexistes… on ne peut pas fermer tous les endroits où il y en a!

Alors comment on en arrive à faire ça? Essentiellement, c’est au moyen de l’éducation, on n’a pas le choix. Vous savez, ça fait maintenant 11-12 ans qu'au Québec, il n’y a plus de cours de sexualité. Mais ce qu’on a entendu lors de la commission sur les agressions sexuelles, c’est aussi l’urgence de remettre sur pied les activités d’éveil aux relations saines et égalitaires à partir de la garderie : Mon corps c’est mon corps, ce n’est pas le tien.
 

Crédit : Mon corps, c’est mon corps (ce n’est pas le tien)/YouTube
Il y a des choses qu’on peut enseigner dès ce moment et ensuite, il y a un travail constant de réagir. Je ne regarde que ce qui s’est passé l’automne dernier avec #AgressionNonDénoncée, ce qui s’est passé au Parlement d’Ottawa.
 
Les femmes de l’Assemblée nationale se sont posé la question : « On a tu une politique contre le harcèlement sexuel ici? ». La réponse était non. Alors, on s’est mises au boulot et d’ici 1 mois et demi, on devrait être capable de déposer une politique de harcèlement à l’intérieur de l’Assemblée nationale.

Parce que non, même les députés ne sont pas autorisés à passer des commentaires sur une jeune attachée politique, une jeune page, ou même sur le personnel de l’Assemblée nationale. Je suis très heureuse de voir qu’au travers des partis, on en arrive à s’entendre sur une politique comme celle-là.

Si vous aviez la possibilité de retourner dans le passé, y a-t-il des choses que vous aimeriez dire à la jeune Manon Massé?

Manon Massé, c’est une guerrière de la paix depuis toujours, au sens où j’ai toujours refusé d’entrer dans l’industrie de la mode, du paraître. Ça aura pris 8 ans avant qu’on arrête de parler de ma moustache! 8 ans pendant lesquels j’apportais des contenus, proposais des projets de société, mais tout ce dont on parlait, c’était de ma moustache. C’est tu chiant ça?!
 

Crédit : Manon Massé/Facebook
 
Ce que je lui dirais, ce serait : « Ton chemin est bon, ne lâche pas. Tu n’auras pas la vie facile. Cela dit, entoure-toi et rappelle-toi pourquoi tu le fais. »

Et je le fais pour l’amour profond de mon peuple, des humains qui le composent peu importe leur âge, sexe, religion, origine. Je pense que tous les humains, on est nés égaux en droits et en dignité.


Crédit : Manon Massé/Facebook
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