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Exploitation dans les salons de manucure : un luxe à quel prix?
Crédit: Nicole Bengiveno/Instagram

Je n’ai jamais été très fan des manucures. Je trouve ça très joli sur les autres, mais pour ma part, je m’en tiens toujours à quelque chose de simple. Une ou deux couleurs, les ongles arrondis : je le fais presque toujours moi-même.
 
Quand je suis déménagée dans la ville de New York, je suis restée surprise du coût de ces soins esthétiques. Les lundis et mardis, mani and pedi à 16 $! WOW! C’est trois fois moins cher qu’à Montréal. Évidemment, j’ai eu envie de l’essayer.
 
Après ma manucure, j’ai eu le sentiment d’avoir participé à une sorte de cheap labour. La propreté de l’endroit laissait à désirer, ma technicienne ne parlait pratiquement pas anglais et il y avait une tension dans l’air que je ne savais pas m’expliquer.
 
Récemment, un article du New York Times (The Price of Nice Nails) est venu confirmer mes craintes : il existe bel et bien un système d’exploitation dans les salons de beauté new-yorkais.
 
La liste des mauvais traitements subis par les employés de ces salons est longue : salaire ridicule (une moyenne de 3 $/h), conditions de travail dangereuses (la poudre pour les ongles en acrylique cause le cancer), quarts de travail interminables (l’overtime n’est pas compensé), et sans compter qu’ils n’ont pas toujours accès à une salle à manger (quand ils ont une heure de lunch) ou des toilettes…
 
Pire encore, ces employés doivent payer des frais de 100 $ pour obtenir un premier emploi. Ils complètent une formation sommaire et doivent travailler pour leur employeur jusqu’à 6 mois sans salaire. Ensuite, s’ils veulent une promotion, ils doivent encore débourser de leurs poches pour chaque nouvelle formation : épilation des sourcils, ongles en gel, etc.
 


Crédit : Naomi Yasuda/Instagram
 

 
Par ailleurs, le Labor Department n’a peu ou pas de plaintes de la part des employés, car ils sont pratiquement tous des immigrants illégaux qui risquent la déportation. Les propriétaires de ces salons (la majorité d’origine coréenne ou chinoise) utilisent donc cette peur à leur avantage. Un système de caste ethnique règne au sein de ce milieu. Les Coréens dominent et obtiennent les tâches de choix, suivis des Chinois et finalement des Hispaniques, qui exécutent souvent les pires tâches. Ces derniers sont victimes de racisme de la part des autres ethnies : « ''Spanish employees'' are not as smart as Koreans, or as sanitary », affirme Mal Sung Noh, propriétaire d’un salon dans le Upper East Side. 
 
Le plus révoltant, c’est que lorsque le Labor Department réussit à orchestrer une inspection, les propriétaires parviennent souvent à camoufler les irrégularités. Même s’ils se font pincer, il est difficile de retracer les livres comptables ou les véritables propriétaires du salon. Ils évitent ainsi facilement des amendes ou des poursuites criminelles possibles.  

Que faire? Arrêter de fréquenter ces sweatshops de l’industrie esthétique, non? Ça semble la réponse évidente, mais il est difficile de percevoir l’impact que pourrait avoir ce type de boycottage. S’il y a moins de clients, il y aura certainement des mises à pied. Laisser un plus gros pourboire au technicien pourrait être une bonne idée; toutefois, l’enquête a révélé que plusieurs employeurs se gardent un généreux pourcentage des tips de leurs employés…
 


Crédit : Nicole Bengiveno/The New York Times

 
La vérité est que tant que les États-Unis n’assoupliront pas leur politique sur l’immigration, il y aura toujours cette forme d’exploitation (par ailleurs présente dans plusieurs autres secteurs de services). Pour ma part, je compte continuer à me faire les ongles à la maison. Néanmoins, si l’envie me prend de me faire bichonner, j'interrogerai davantage l’endroit que je fréquenterai. Si les consommateurs posent des questions ouvertement au gérant du salon, j’ose espérer que les choses bougeront un peu. Les clients consciencieux seront prêts à payer plus cher pour une manucure éthique.
 
Je ne sais si cette terrible situation s’applique aussi aux salons canadiens. Nos lois sur l’immigration sont plus flexibles qu’aux États-Unis, mais je doute que tout soit rose dans ce milieu. De grâce, lors de votre prochaine escapade à New York City, pensez-y deux fois avant de vous payer ce « luxe ».

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