Aller au contenu
La petite histoire d’une anxieuse chronique au pays des médicaments.
Crédit: Ana Roy Illustation

J'ai 6-7 ans. Ma « Mimi » m'amène en road trip voir ma famille élargie.

Déjà à l'époque, sortir de chez moi me fait peur… 

Embarquer en auto avec les amis d'une amie, aller à un party, dormir dans un lit autre que le mien, avoir une relation amoureuse, m'investir dans un projet à long terme, partir en voyage, name it. J'ai toujours cette masse qui me ronge l'estomac.

Toute ma vie j'ai cru que j'étais dysfonctionnelle, dans une classe à part, brisée.

À 8 ans, ma grand-mère refuse de me donner des Gravol avant qu'on parte en voyage… Elle dit que je suis accro aux médicaments. Comme ma mère. 

On me répète que le mal que je porte n'est qu'un stratagème enfantin pour avoir de l'attention, pour me plaindre. On m'appelle Aurore l'enfant martyre la plupart du temps. J'ai souhaité toute mon enfance d'être atteinte d'un genre de cancer. Pour qu'une fois pour toutes, on ne remette pas en question ma souffrance. Qu'on l'accepte, tout simplement. 

Un mal de ventre, un mal de tête, vomir, une fatigue excessive, la diarrhée avant un test. Ce n’est pas assez sérieux dans notre société pour être considéré comme un vrai mal. Pour faire taire les jugements. 

Quand je suis rentrée au cégep, j'ai rencontré des gens vraiment cool. Des gens envers qui j'avais un genre de sentiment d'envie. Des gens créatifs, des gens bien, confiants, aimés. 

Un soir, nous sommes tous assis devant une bière et ma belle amie dit haut et fort :

« Avant de faire un examen, je peux passer 3 h devant la bol de toilette à me vomir le corps tellement que je suis anxieuse. »

Crisse, c'est ça mon cancer. C'est ça mon mal. Le monstre qui hante mes nuits. L'entité épeurante. Ma Tamara dans The Ring.

Deux ans plus tard, je rencontre mon médecin de famille. On me propose des antidépresseurs. NOPE. Je ne suis pas triste. Je ne suis pas en dépression. Je ne suis pas accro aux médicaments. Je ne suis pas ma mère. 

Mais je suis en déni et j'ai peur. 
 


Crédit : Ana Roy illustration/Facebook

J'en discute avec mes amies. Je suis grano, je suis contre les médicaments. Je mange des smoothies pour déjeuner. Je ne peux pas enrichir l'industrie pharmaceutique avec mon mal imaginaire, voyons donc… 

…Eh bien oui, je peux. 
J'ai 23 ans. Je prends des antidépresseurs chaque jour et je n'ai plus honte. 

Mon cerveau était une autoroute congestionnée. On a finalement mis des feux de circulation. 
Je suis une personne. Je suis moi. Je suis une survivante.

Aujourd'hui, ma Mimi, ma belle grand-mère d’amour que j'aime tant, des fois, elle m'appelle et au lieu de me dire qu'elle est malade, elle me dit qu'elle est anxieuse, pis c'est parfait ainsi. 

Avant de prendre des médicaments, entourez-vous. Le médicament, c'est une béquille, ce n’est pas une solution miracle, ce n’est pas un génie dans une lampe. C'est un outil, qui, avec le soutien psychologique adéquat, peut changer considérablement votre qualité de vie. 

Ne laissez jamais les autres décider à votre place.

Plus de contenu