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Témoignage d’une enfant intimidée devenue adulte
Crédit: josianes/Instagram + Montage de Véronique Thibeault

J’ai suis une personne assez solitaire. Au primaire, les autres enfants me taquinent, mais ça ne me dérange pas tant que ça. C’est lorsque j’entre au secondaire que les choses se compliquent.

Des garçons plus vieux – ils devaient avoir entre 15 et 17 ans à l’époque – attendent l’autobus au même arrêt que moi. Je les ai déjà croisés comme nous habitons tous le même pâté de maisons, mais sans plus. Je suis nerveuse à l’idée de commencer le secondaire et disons que ces garçons me donnent rapidement raison de craindre le pire. Dès la première journée, ils sélectionnent leur cible pour les années à venir : moi.

Source : GIPHY

Je ne comprends pas ce qui m’arrive. Je ne comprends ni la méchanceté ni la violence, mais j’en suis bel et bien victime. Ce qui était principalement de la violence verbale au départ s’aggrave rapidement. Ces garçons me tirent les cheveux, volent mon sac pour le lancer derrière une clôture, me poussent et me font tomber, me traînent ensuite par terre, me lancent des roches et m’enfoncent la tête dans la neige. Quotidiennement.

À l’époque, je n’ai qu’une seule « vraie » amie. Les autres filles avec qui je passe un peu de temps sont plutôt des collègues de classe, même si je connais certaines depuis le primaire. Un jour, une fille du groupe décide que ce serait drôle de me choisir comme bouc émissaire. Elle convainc parfois les autres de m’ignorer complètement pendant plusieurs jours. Ou elles me choisissent ensemble un surnom « secret » et l’utilisent pour se moquer de moi en ma présence sans que je puisse en être complètement certaine.

Mais je sais. Et je souffre. Je n’ai pas la force de rétorquer. Pas la force de me battre. Pas avec ce que je vis tous les jours pendant les trajets d’autobus. Je pleure dans presque tous mes cours et tous les soirs, toute seule, dans ma chambre.

Source : Giphy

Je me demande si quelqu’un d’autre que mes parents pleurerait ma mort. Je suis convaincue que non. Je l’écris dans une lettre. Le reste est un peu flou, mais sans que je sache comment, cette lettre se retrouve dans les mains d’une intervenante de l’école et je suis convoquée à son bureau.

Je refuse obstinément de me confier, mais quelque part au fond de moi, je suis soulagée. Je me sens un peu moins invisible. Ça m’a peut-être sauvée.

En septembre 2010, alors que j’entre à l’Université de Montréal, plus de 10 années se sont écoulées. Lors des initiations, je rencontre deux jeunes femmes drôles et dynamiques que j’apprécie immédiatement. Nous suivons les mêmes cours et elles m’invitent régulièrement à sortir ou à les rejoindre aux activités organisées par l’association étudiante. Je refuse chacune de ces invitations, trouvant chaque fois un prétexte assez crédible pour ne pas qu’elles insistent.

Source : Giphy

Ce n’est qu’un an plus tard, alors que nous participons à l’initiation des nouveaux étudiants du programme, que j’éclate. Je pleure. Je leur avoue que j’apprécie vraiment passer du temps avec elles, mais que j’ai peur. Que je suis terrorisée à l’idée d’être encore une fois blessée. De me sentir rejetée.

À ce moment, je suis convaincue d’être le problème. Il y a forcément quelque chose d’étrange, de laid et de détestable chez moi. Sinon, comment expliquer que plusieurs personnes aient pris plaisir à m’intimider avec autant de constance et de conviction? Je dois l’avoir mérité. Je crois alors que si quelqu’un apprend à connaître la « vraie » Véro, toute ma laideur intérieure sera immanquablement révélée. Dans le meilleur des scénarios, je suis encore une fois rejetée et dans le pire, je deviens le bouc émissaire du département complet pour toute la durée de mon baccalauréat.

Ce jour là, je décide toutefois de faire confiance aux merveilleuses jeunes femmes devant moi. De leur expliquer pourquoi j’ai esquivé toutes leurs invitations de la dernière année. Et je pleure en leur expliquant pourquoi j’ai peur de faire entrer de nouvelles personnes dans ma vie. Alors que je crains qu’elles se moquent de moi, elles me rassurent et réconfortent. 
 
Cinq ans plus tard, ces amies formidables sont encore dans ma vie. Et elles n’ont toujours pas trouvé de laideur en moi.

(Merci. Et j’vous aime.)

Est-ce que l'intimidation que vous avez vécue quand vous étiez enfant vous hante encore?

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