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Un petit gâteau mangé en riant : un pas vers la liberté?
Crédit: Julie Rainville

Je travaille pour le plus vieil organisme montréalais dédié au bien-être des femmes. Nous sommes évidemment féministes, mais plus en actions qu’en militantisme. Nous contribuons à aider les femmes à évoluer dans la société depuis le 19e siècle. 
 
Juste à l’interne, nous sommes à peu près 80 femmes, provenant de tous horizons, cultures, groupes d’âge. Tous ces anniversaires, occasions de rassemblements, réunions, congés de maternité, événements, fêtes de bénévoles, etc., ça signifie petits plats bien cuisinés ET SURTOUT : gâteaux, cupcakes, muffins, biscuits, baklavas, chocolats. Ces petites douceurs sont souvent partagées « à la disposition de toutes » sur notre table de cuisine, dans nos bureaux communs, dans les lieux ouverts au public, et ce, plusieurs fois par semaine et tous les jours dans le temps des fêtes. 
 
En ayant mangé avec tant de plaisir un scone l'autre jour, qui était offert grâce à un événement dédié aux médias que nous organisions, j’ai croisé le regard de ma Chère-Patronne et on a échangé ces quelques mots :
 
Chère-Patronne : Je vais me prendre un petit quelque chose, elles ont l’air bonnes les pâtisseries…
Moi : Tu essaieras les scones aux canneberges, ils sont divins! Ils ne goûtent pas trop la farine, juste un peu la pâte d’amande, ils sont tellement bons que je pense en voler pour en ramener dans mon bureau.
Chère-Patronne : Ben justement tu as des poches sur ton cardigan!
 
Et nous avons ri.
 
Plus tard, j’ai réfléchi à tous ces gâteaux que nous avons mangés ensemble, de près ou de loin, depuis que je travaille là. Et à quel point aujourd’hui, contrairement à d’autres moments, je me sentais bien en le mangeant. Pourquoi je ne me sentais pas bien d’en manger avant? À qui je voulais plaire en me protégeant des quelques livres en trop?  Est-ce que ce 5 livres valait tous les sourires et moments partagés?
 
Nous avons beaucoup de pression en tant que femmes pour porter une taille de pantalon, correspondre à un modèle. J’ai lu quelque part, récemment, que la plupart des femmes pensent qu’elles vont être plus heureuses quand elles auront perdu les 5 à 10 livres qu’elles disent avoir en trop. Vraiment? Juste ça? Et après, lorsqu’elles ont réussi, sont-elles plus heureuses?
 
Ce jour-là, nous donnions un point de presse sur les programmes de prévention de l’exploitation sexuelle des jeunes filles. En fait, les filles sont préparées très tôt à espérer le « prince charmant » et, je cite les mots de ma collègue devant les journalistes, « la culture populaire encourage la dépendance affective des jeunes filles. »
 
Quand Chère-Patronne et moi avons ri à cause du scone divin, j’ai compris une chose : qu'en mangeant cette pâtisserie avec plaisir, j’atteignais, d’une certaine manière, une certaine liberté en disant oui à des choses « interdites qui peuvent faire engraisser ». Que je me détachais de mon besoin de plaire à tout prix et que j’obtenais une certaine indépendance de corps et d’esprit. Les gâteaux sont aussi un symbole de plaisir, de douceur féminine, de cuisine sucrée, de sensualité d’une certaine manière, de rencontres sympathiques entre femmes (du moins chez nous), et ça témoigne d’un féminisme pas frustré pantoute. 
 
Parce que le féminisme moderne, pour certains aspects, est un peu comme le contraire du féminisme d’avant. Ce féminisme qui a marqué l'imaginaire collectif avec ses « madames frustrées avec le pouel en dessous des bras » (ouf, les gens, han?). De nos jours, on finit par être frustrées et grugées par notre besoin de perfection. Faut se débarrasser de toutes ces choses que l’on s’impose pour être parfaites et ainsi atteindre une certaine liberté de cœur en tant que femme, en tant qu'humain. Et ce n’est pas facile de lâcher prise sur notre petit maquillage, notre petite balance… mais rire en mangeant un cupcake (ou un scone) c’est déjà un pas de fait.

Êtes-vous du même avis que moi? 

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