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La craque dans le plancher

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La craque dans le plancher
Crédit: Ton petit look

Je ne sais pas pour vous, mais j’ai l’équilibre chancelant. J’ai l’équilibre chancelant dans toute. Marcher, c’est presque un problème. Genre que je peux foncer dans un mur, dans un poteau, me semi-fouler la cheville, tomber par terre, juste en ayant perdu le fil de ma marche. Ça m'arrive souvent chez moi; je glisse sur une feuille, je tombe sur les genoux. Vous voyez la big picture

J’ai toujours senti que plus je me tenais droite et debout, plus le reste du monde cherchait à me voir tomber. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce que j’ai jamais vécu de compétition, j’ai jamais été la meilleure. J’ai toujours eu une personne à mes côtés qui avait à peu près les mêmes skills que moi. Je n’ai jamais senti que j’étais spéciale. 

J’ai toujours eu de la patience. Ho! Ça, j’en ai une shitload. Je suis vraiment une personne patiente et déterminée à la fois. Je sais ce que je veux, mais comme j’ai l’équilibre fragile, je sais que si j’essaie de monter une ou deux marche(s) de plus trop rapidement, ma chute sera abrupte. 

J’essaie aussi de me déplacer en essayant d’aider les autres. Une autre qualité que j’ai, je pense, c’est la générosité. Dites-moi jamais que vous n'avez pas de sous pour telle ou telle affaire, je vais m’arranger pour vous le faire en cadeau. Quand une stagiaire struggle pour de la bouffe, c’est sûr que je vais lui donner un sac de patates, une carte cadeau qui vient avec une recette à tester ou n’importe quelle collation que je trouve. Je ne dis pas ça pour me vanter. Je hais voir du monde qui a faim ou qui struggle. Je suis consciente de mes privilèges. 

Reste qu’aux yeux des autres, je peux avoir l’air de plein d’affaires. Chacune de mes petites réussites est toujours accompagnée de la peur de me casser la gueule. Je ne suis malheureusement pas à l’abri d’une craque dans le plancher. Mais quand ça se passe, quand je m'enfarge dans les pas de craques de mon plancher de céramique, je suis à la maison et entourée de personnes de confiance, qui à la place de rire, vont m’aider et m’écouter pleurer. 

Quand je me casse la gueule sur Internet par contre, ho la la. C’est avec une brique, un fanal pis toute la haine du monde qu’on me ramasse. « T’avais pas vu la craque Josiane, franchement, c’est bien de ta faute si tu tombes ». « Fallait y penser avant de marcher sur un sol pas égal, c’est sûr que tu allais tomber ». Ç'a l’air niaiseux dit de même, je vous épargne les insultes habituelles de fémiss-frustrée-mère-en-criss-jamais-contente-conne-tu-me-déçois que je peux recevoir. 

La seule affaire qui me sert encore d’avoir été intimidée au secondaire, de m’être ouvert les genoux à forcer d’être comme Bambi l’hiver, c’est que personne ne m’empêchera jamais de me relever. Si j’ai survécu à des collègues de classe du secondaire qui me demandaient si j’allais bientôt me suicider, je peux survivre à n’importe quoi. Et si certaines personnes trouvent ça donc ben drôle de me voir tomber, j’aime toujours me dire qu'elles seront trop occupées à rire pour me voir me révéler plus vite que n’importe qui.

Je ne dis pas de m’amener une craque par semaine pour tester mes limites (quoique mon mois de février a été rempli de genoux en sang virtuel), tout ce que je dis, c’est qu’avec l’expérience, les cicatrices et les chevilles molles, ça fait toujours un peu moins mal. 

Maintenant, je n’ai plus peur des craques dans le plancher. 

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