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Bicyclette blanche et petite culotte beige
Crédit: E1N7E/Pixabay

Le printemps est à nos portes. Vivement les robes sans collant, les après-midis en terrasse et la réouverture des pistes cyclables!
Pour plusieurs d’entre nous, l’arrivée de la saison des vélos est synonyme de liberté! Pour moi, ancienne cycliste urbaine, ça rime avec anxiété.

À l’automne 2013, ma vie a basculé, alors que je me rendais au travail à vélo. Aussi prudente que d’habitude, j’ai repéré la présence d’un camion dix roues à côté de moi. Alors que je m’apprêtais à traverser une intersection, le véhicule, gros comme un camion de poubelle genre, a brusquement entamé un virage. J’ai donné un coup de guidon pour tenter de l’éviter puis… [Insérer ici l’intervention d’un ange gardien ou du destin].

Le camion fonce sur moi. Mon cerveau comprend qu’il est trop tard pour l’éviter. Devant un si grand danger, l’organisme libère une quantité d’adrénaline hors du commun, ce qui démultiplie de manière exponentielle le nombre de pensées par seconde, sans AUCUN classement prioritaire. Voici une liste non exhaustive des choses qui m’ont traversé l’esprit EN MÊME TEMPS, alors que je voyais la mort de très près :

  • Est-ce que ça serait correct que je meure maintenant?
  • Si jamais je pars en ambulance, est-ce que je porte de beaux sous-vêtements?
  • J’aurais dû mettre mon casque!
  • Est-ce que c’était (juste) ça ma vie? Dommage, je dois avoir 25 ans dans trois semaines.
  • Je porte probablement les pires petites culottes que je possède… genre des Granny Panties beiges.

C’est pas mal le sentiment de « voir sa vie défiler devant ses yeux », mais en mettant son existence et ses bobettes sur le même pied d’égalité! C'est normal, il paraît.

Une seconde plus tard, j’étais étendue sur le trottoir, avec une jambe en morceaux et mon vélo fendu à côté de moi. Je hurlais parce que je souffrais épouvantablement et pour prouver que j’étais vivante.

… des dizaines de visages inconnus au-dessus de moi. Certains affolés, d’autres, bienveillants. Une main qui me caresse les cheveux. Des sirènes d’ambulances. On me parle. J’entends, mais je ne comprends les mots. Je suis consciente. J’ai peur. Je reconnais les ambulanciers. L’un d’eux me dit que ma jambe gauche est passée sous les roues du poids lourd et qu’il va devoir découper mes collants. Et moi je réponds : « Ah, c’est vraiment dommage, c’est la première fois que je les porte. Ils sont nouveaux! ».

Cédit: Giphy

Alors que je vais peut-être perdre ma jambe fraîchement écrabouillée, je m’inquiète pour des collants Ardène payés 3 pour 10 $!?! (Une psy m’a expliqué plus tard que dans les moments de grand drame, alors que l’on ne contrôle plus rien, pas même son propre corps, c’est normal de chercher à exercer une emprise sur les détails.)

Puis… transport à l’hôpital. Opération d’urgence. Transfusions. Douleur et morphine. Arrêt de travail de huit mois. Linge mou. Physiothérapie. Gros mots. Cauchemars. Thérapie. Retour à la vie « normale », avec peu de séquelles physiques.

Crédit: Laïma A.Gérald/Facebook

Deux ans et demi plus tard, je n'ai plus besoin de canne et j'apprends à vivre avec un choc post-traumatique. Au printemps, les flashbacks de mon accident augmentent à la vue des vélos. Peuvent s’en suivre des crises de panique en pleine rue, des troubles du sommeil et une anxiété latente. Je la gère de mieux en mieux. Comme on m’a expliqué, une blessure psychique c’est comme une blessure physique, ça nécessite un processus de guérison. Et parfois, c’est long.

Dans une perspective plus large, je souhaite vraiment que la ville prenne des mesures pour assumer l’augmentation du nombre de cyclistes, en créant des infrastructures adéquates. J’encourage également le dialogue entre tous les usagers de la route : cyclistes, piétons, automobilistes, camionneurs, etc. La rue appartient à tout le monde et mérite d’être partagée équitablement!

P.-S. PORTEZ UN CASQUE!

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