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Je n’aime pas ma mère

Auteur: Annie Nonyme
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Je n’aime pas ma mère
Crédit: crkmaga/Pixabay

 Ces quelques mots sont difficiles à écrire, et à lire aussi. Faire ce constat, c’est douloureux et plusieurs se diront : « Ne pas aimer sa mère, mais voyons, c’est impensable! ». Je le pense, moi aussi. Par contre, réaliser quelque chose d’aussi fort et triste, c’est un grand pas vers un mieux-être intérieur. Je dois me pardonner de ne pas aimer celle qui m’a mise au monde.
 
C’est facile de juger, mais je crois qu’il y a des tas de raisons qui peuvent pousser un enfant à ne pas ou ne plus aimer sa mère. Ma mère, je l’aimais quand j’étais petite. Je l’aimais fort, plus que tout, elle était mon Dieu. Mais j’ai grandi et j’ai compris des choses que mes petits yeux naïfs d’enfant ne pouvaient pas voir à ce moment-là.
 
Chez moi, nous étions trois petites filles jolies et gentilles. Notre enfance a été détruite par notre père qui nous agressait sexuellement, toutes les trois. C’était tabou dans notre famille, où la peur de notre père et le règne du silence étaient maîtres. Nous n’avons jamais parlé ensemble de ce qu’on vivait, toutes les trois, jamais. Une fois adultes, ma sœur a décidé d’entamer des démarches pour le dénoncer. Et nous avons dû passer par toutes les étapes, de la plainte au poste de police à la condamnation de notre père. Cette étape de ma vie, je l’affectionne malgré les sentiments difficiles et les douleurs psychologiques engendrés, rajoutés au processus judiciaire tout sauf doux. Je l’affectionne parce qu’en fin de compte, je m’en suis sortie grandie et libérée.
 
J’aurais pensé que la page pourrait être tournée, d’autant plus que mon père est mort quelques mois après sa sortie de prison, mais non. Pourquoi? Parce que ma mère, pendant que nous vivions avec notre bourreau, fermait les yeux. Elle savait ce qui se passait, mais ne nous a pas sauvées parce qu’elle ne voulait pas perdre ses privilèges en lien avec les revenus de notre père. Elle ne voulait pas se retrouver monoparentale. Parce qu’elle était trop faible, parce que des fois, j’ai le sentiment que nous, ses filles, sommes les parents de ma mère. Bref, je constate aujourd’hui que ma mère a laissé faire les choses tout en sachant, en voyant, en protégeant cet homme de la police qui est intervenue au moins trois fois chez nous. Jamais nous n’aurions porté plainte contre elle, car c’est notre mère. Impensable, impossible. Mais reste le fait qu’elle est coupable elle aussi. J’ai donc choisi, aujourd’hui, de m’écouter et de reconnaitre que je n’aime pas ma mère.
 
Je partage ce texte pour sensibiliser les gens au fait que nous ne sommes pas obligés d’aimer qui que ce soit. Tout le monde a droit au respect de soi. Je m’aime dans mes lourdes décisions, ce qui fait de moi une adulte responsable. Je me suis si longtemps demandé pourquoi, qu’est-ce que j’avais fait au monde pour qu’on nous traite, mes sœurs et moi, ainsi et ce, depuis nos premiers jours sur Terre? La réponse est que nous ne sommes pas responsables de ce qui nous est arrivé lorsque nous n’étions que des poupons. La réponse est que maintenant, nous choisissons notre destin, nous détenons le pouvoir d’agir positivement sur nos vies.
 
J’encourage toutes les victimes à dénoncer des situations d’abus physiques, psychologiques ou sexuels. Tolérer, rester muette et souffrir, ce ne sont pas des options. De nos jours, il y a des ressources spécialisées exceptionnelles pour toutes les problématiques, qu’on soit un gars ou une fille. Elles sont là pour nous et plusieurs sont gratuites.
 
 
 

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