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Mon père, ce féministe qui s’ignore
Crédit: Montage de Véronique LeVasseur

Côté parents, j’ai été choyée par la vie. Je n’ai pas choisi dans quelle famille je suis née, mais je dirai que j’ai gagné le gros lot. Deux parents qui s’aiment encore après 36 ans de mariage, deux parents que je n’ai jamais vu se chicaner. Ils ne sont certes pas parfaits, mais ils ont tout fait pour nous offrir une belle enfance à ma sœur et moi.
 


Crédit : Véronique LeVasseur

 
Je ne sais pas si mon père aurait aimé avoir un garçon. Issu d’une famille de huit enfants, il a grandi entouré de six frères et d’une seule sœur. J’imagine qu’avoir un garçon aurait été plus « naturel » pour lui. Sauf que, je n’ai jamais senti qu’il regrettait d'avoir eu des filles. De toute façon, je pense que le genre de ses enfants lui importe peu. Mon père est un féministe malgré lui.
 
Ma mère n’a jamais été des plus maternelles, préférant les enfants autonomes aux poupons. C’est donc mon père qui se levait la nuit pour nous donner le biberon et nous bercer. Quand nous étions malades, c’est lui qui passait la nuit au chevet de ses fillettes. Disons que dans les années 1980, ce n’était pas monnaie courante comme aujourd’hui.
 
Je me rappelle qu’on disait de mon papa qu’il était un « homme-rose ». À la maison, il aidait ma mère dans toutes les tâches ménagères… ou presque. Après qu’il eut quasiment mis le feu à la maison en cuisinant des biscuits, ma mère lui a fait savoir qu’il était plus adroit avec une lavette et une moppe qu’un robot-mélangeur. Laver les planchers et épousseter : Réal ne craignait rien. Encore moins les railleries de la famille ou de ses amis, parce que t’sais, un homme-rose dans les années 1990, ce n’était pas super cool.
 
Toutefois, c’est dans la manière d’élever ses deux enfants que mon père a été un vrai féministe. Tondre la pelouse, bûcher et corder du bois, chasser ou aller à la pêche sont toutes des activités auxquelles ma sœur et moi avons participé. Nous faisions du VTT, du vélo, de la moto, jouions ou écoutions le hockey; bref toutes ses choses qui étaient autrefois taxées de masculines. Lorsque nous nous rebutions sur une tâche plus difficile (comme pousser une tondeuse qui pesait une tonne), mon père se plaisait à répéter sa phrase fétiche : « Une jument, ça tire autant qu’un joual*. »
 


Crédit : Véronique LeVasseur

 
Dans cette expression pittoresque se cache un grand fond de vérité : les femmes peuvent aussi bien accomplir la même activité qu’un homme. Le genre n’a pas d’importance, que ce soit à la maison, dans un sport ou au boulot. Mes exemples ont peut-être l'air anodin, mais toute mon enfance à me faire répéter que nous sommes tous égaux, fille ou garçon, a fait de moi une personne ouverte d’esprit, diplomate et tolérante. Je suis féministe grâce à mon père.
 
Je ne sais pas si mon père aurait préféré avoir un garçon. Cependant, je sais qu’il a élevé deux féministes qui n’ont pas froid aux yeux et qui font leur bout de chemin. Être une femme en 2016 est encore synonyme d’injustice. Mais c’est toujours avec la tête haute que je lance à mes détracteurs « qu’une jument, ben ça tire autant qu’un joual. »

Comment votre père a-t-il joué un rôle dans votre éducation?

*Selon Le Robert, prononciation populaire de cheval au Québec.
 

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