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Savoir ou ne pas savoir quoi faire plus tard, là n’est pas la question
Crédit: pathdoc/Shutterstock

« Lysanne, tu veux faire quoi plus tard ? » Je ne sais pas trop… être heureuse? Oups, mauvaise réponse. Il faut être précis. « Tu dois bien avoir une p’tite idée, non? » Non.
 
Les gens ont une obsession pour la future carrière des jeunes. Pis là, quand je dis « les gens », je m’inclus malheureusement dans le groupe. J’ai, moi aussi, le réflexe de poser la maudite question : « Tu veux faire quoi quand tu seras grand(e)? » aux enfants que je côtoie plus de 10 minutes.
 
Pauvres enfants. En plus d’apprendre à attacher leurs souliers, il faut qu’une fatigante leur demande de se projeter au moment où ils devront payer des factures et magasiner des rideaux. Je comprends leur sieste de l’après-midi, je m’excuse les enfants (chère Alice, je trouve ça awesome comme métier, devenir pirate).
 

Crédit : Butlercat/Giphy

Si j’ai l’habitude de poser cette question aux tout-petits, c’est parce qu’on me l’a posée des centaines de fois. Ce n’est que récemment que je me suis aperçue qu’en ne répondant pas à la fameuse question, je laisse toujours un vide dérangeant qui amène les gens à insister. Ils vont même jusqu’à me faire des suggestions : « Professeure, ça t’tente pas ? ». Je peux comprendre que certains s’inquiètent pour mon portefeuille, mais je vais m’en sortir, merci.
 

Crédit : Anne-Julie Dudemaine – Illustratrice/Facebook
 

Les gens pourraient facilement me demander mes projets pour l’été ou la musique que j’écoute ces temps-ci, mais ils veulent absolument savoir mes plans de carrière. Nous pourrions peut-être penser à nous décrire autrement qu’avec un gagne-pain. J’ai l’impression que nous apposons une étiquette invisible sur chaque individu après avoir appris leur profession future ou actuelle. « Ah ben, celui-là veut devenir ingénieur. Bonne garantie prolongée, j’le prends! » Des personnes merveilleuses, il y en a dans tous les métiers. Et je peux vous assurer que des gens malveillants, il y en a aussi dans tous les métiers. Que ce soit sociologue ou tatoueur/tatoueuse, la médiocrité n’a pas de profession favorite.
 
À mon école secondaire, nous devions porter un uniforme pour éviter l’intimidation reliée aux situations financières parfois difficiles de certains. Normalement, nous ne connaissions pas la profession des parents des élèves. Pourtant, ceux dont les parents étaient avocats ou docteurs, nous le savions. Mais les enfants dont les parents étaient au chômage ou au salaire minimum, nous ne les entendions jamais s’en vanter.
 

Crédit : MC Marquis – Design/Facebook
 

Dès notre jeune âge, nous associons argent à réussite. Malgré l’uniforme, malgré nos connaissances nulles en finance, nous réussissions à caser les enfants riches sur un pied d'estale pis les plus démunis avec les fesses bien installées dans le sable.
 
Les enfants ont appris ça tout seuls, vous croyez? Lol. Nous leur avons appris ça. La publicité, les téléromans, la fucking question « Tu veux faire quoi plus tard? » leur ont appris ça. Notre système politique hiérarchisé leur a appris ça. Un Premier ministre neurochirurgien ne parviendra pas à me faire croire que la fierté de notre société repose sur les bons services des concierges. Nous enfermons les gens dans une boîte en carton ou en or selon leur gagne-pain. Et si un sportif professionnel commet un erreur (genre un viol, oups) on n’ose pas le sortir de sa confortable boîte en or.
 
Nous avons une relation très malsaine avec les choix de carrière des jeunes alors que cette décision devrait entièrement leur revenir. Donc non, je ne sais pas quelle profession exercer et je ne pense pas que ce soit un problème et encore moins le vôtre.

Pis vous, qu'est-ce que vous voulez faire plus tard? #JokePasJoke

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