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Si j’étais née garçon, est-ce que ma vie aurait été plus facile?
Crédit: dessin par Maude Bergeron

Je me demande parfois si ma vie aurait été plus simple et plus facile si j’étais née garçon (en prenant pour acquis, bien entendu, que j’aurais été bien avec cette identité et ce sexe). C’est en discutant avec quelques femmes de mon entourage que j’ai rapidement compris que j’étais très loin d’être la seule à me questionner de la sorte.

Naître de sexe féminin, ne serait-ce pas un peu venir au monde avec certaines barrières sociales?

On semble apposer collectivement une pression très lourde sur les femmes pour les définir inconsciemment, pour n’obtenir comme résultat final qu’une intense restriction et une inégalité des chances. On décourage certains comportements chez elles, alors qu’ils sont valorisés chez les hommes. Pensons simplement à l’ambition, à l’organisation et à la gestion, qui sont souvent perçus très positivement chez un homme, mais qui viennent presque automatiquement avec une mauvaise image et l'étiquette « Germaine » pour une femme.

Quand j’étais jeune, je me suis longtemps sentie comme si, en tant que femme, je n’avais pas beaucoup d’exemples identitaires dans certains domaines, comme par exemple la littérature. Le problème : la majorité des livres qui font partie des programmes d’enseignement sont écrits par des auteurs de sexe masculin. Quel message envoie-t-on si l’on exclut presque totalement le travail et les œuvres des femmes de notre apprentissage? Qu’elles sont moins sérieuses, moins pertinentes, moins importantes?

Il y a une sous-représentation des femmes dans plusieurs sphères de la société, que ce soit au niveau culturel, politique, scientifique ou autre. Personne ne peut le nier. Et, malheureusement, parfois, lorsque nous sommes représentées, il arrive que ce soit de manière péjorative, véhiculant des stéréotypes de genre, comme si nous n’étions que des objets et qu’on faisait du placement de produit (le produit étant nous, t’sais).  

Si j’étais née garçon, je n’aurais pas eu droit à la même pression sociale liée à mon image, à mon poids, à mon apparence, à mes vêtements ou à ma coupe de cheveux. On ne m’aurait pas écœurée en première année du primaire en me disant que j’avais des ostie de gros totons pis que j’devais sûrement déjà fourrer à cause de ça. On ne m’aurait pas traitée de p’tite-gouine-pas-de-chum simplement parce que je portais des gros t-shirts lousses et que je voulais que mes cheveux soient courts comme maman lorsque j’avais 8 ans. On ne m’aurait pas niaisée en secondaire un parce que je n’avais jamais sucé un pénis. On ne m’aurait pas blâmée parce que je ressentais des émotions, en mettant le tout sur le dos de mes syndromes prémenstruels de fille frustrée tellement mal baisée. On ne m’aurait pas traitée de tabarnak d’agace parce que je me promenais en camisole, seule dans la rue vers 22 h. On ne m’aurait pas découragée d’aller travailler dans la cuisine d’un bon restaurant parce que c’est un milieu supposément très difficile pour une fille et que ça prend toute qu’une paire de couilles pour y survivre. On n’aurait pas jugé mon nombre de partenaires sexuels en me traitant par la suite de pute et de fille facile parce qu’une fille, ça peut juste avoir des relations sexuelles une fois de temps en temps avec son chum, VOYONS DONC.

Oui, on aurait probablement agit différemment avec moi si j’étais née garçon. Aurais-je été plus heureuse? Ma vie aurait-elle été plus facile? Je ne le saurai jamais. En attendant, je me questionne sans cesse sur les privilèges et je pense sincèrement qu’être né de sexe masculin en est un actuellement. On pourrait tellement faire de grands pas vers l’avant si on prenait le temps d’y réfléchir davantage en tant que société.

Ne vous méprenez pas, le problème n’est pas d’être privilégié, puisque personne n’a de pouvoir décisionnel sur ça. Le problème, c’est plutôt d’ignorer ses privilèges et de continuer d’adopter des comportements collectifs qui restreignent, isolent et stigmatisent les non privilégiés ou ceux qui le sont moins.

Et vous, êtes-vous conscients de vos privilèges? 

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