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Vivre de sa passion, une obligation?
Crédit: UnicornLolita/Flickr

Lors de mon récent voyage, un fait banal m’a frappée encore plus fort qu’à l’habitude. Une question revient presque toujours lorsque nous rencontrons une nouvelle personne : « Qu’est-ce que tu fais dans la vie? ». Cette question ne concerne normalement pas nos passe-temps, mais bien notre emploi ou nos études.
 
Je n’ai, à proprement parler, aucun problème avec le fait de porter de l’intérêt à ce qui occupe les journées d’une personne. Là où le problème survient est le moment où la réponse ne satisfait pas l’appétit insatiable de notre interlocuteur pour les grands discours sur les rêves devenus réalité. Du moins, c’est le moment où je tente à tout prix de justifier mes choix de vie qui, eux, ne vont pas dans la direction que prend une grande partie de ma génération.

Crédit : Giphy
 

Voyez-vous, j’ai 23 ans, toutes mes dents et un emploi convenable. J’ai obtenu mon diplôme de secondaire cinq, mais je n’ai pas complété d’études supérieures. J’ai un emploi stimulant dans le domaine de la santé, mais dont je n’ai jamais rêvé. J’ai un copain qui débutera, cet automne, sa cinquième année de doctorat, une amie ayant terminé son Barreau, une amie maman de trois enfants, de nombreuses amies en voie vers « la réussite sociale » et des collègues moins âgés, mais mieux situés sur l’échelle hiérarchique. Toutefois, le point le plus important est que je n’ai pas de passion ultime clairement identifiée dont je veux faire ma carrière.
 
C’est là où le bât blesse, car je suis le produit d’une génération ayant vu ses parents baby boomers évoluer dans des milieux professionnels satisfaisants, mais qui ne les comblaient pas necéssairement. Nous les avons vus occuper des emplois ne répondant pas aux critères d’épanouissement et d’accomplissement auxquels nous souhaitons que les nôtres répondent. Nous voulons vivre de nos rêves, de nos passions et nous nous sommes faits répéter à maintes reprises de faire ce que nous aimions.
 
Évidemment, tout n’est pas noir ou blanc. J’ai une amie qui voyage depuis plusieurs années, vit dans une van, fait des petits boulots à gauche, à droite et est heureuse ainsi (allô, Audrey!). C’est aussi l’autre penchant à l’obsession que nous avons de la réalisation de nos passions, avoir une vie de voyageur. Je sais, par contre, que beaucoup d’autres jeunes comme moi se contentent d’occuper des emplois moins payés et moins stimulants, mais qui permettent de financer leurs autres intérêts. Je sais aussi que bon nombre d’entre nous avons malheureusement honte de répondre aux questions « qu’est-ce que tu fais dans la vie? » et « quand est-ce que tu retournes aux études? », ce que je trouve à la fois triste et absurde compte tenu que nous faisons tout de même quelque chose de nos vies, même si nos occupations ne répondent pas nécessairement aux critères de réussite dressés par nos pairs et, par la même occasion, par nous-même.
 
Chaque fois que je me retrouve confrontée aux mêmes questions, que ce soit à mon travail à Montréal ou dans une auberge jeunesse de l’autre côté de l’océan, je me sens obligée de me justifier. Pour qui, pourquoi? Lorsque je suis retournée aux études, pour qui l’ai-je réellement fait? Était-ce dans le but d’atteindre un nouveau niveau de satisfaction personnel, de me prouver que je pouvais y arriver, ou de prouver aux autres que j’en étais capable?

En discutant avec les autres collaboratrices du blogue, j’ai réalisé que nous étions plusieurs à ne pas savoir ce que nous désirons faire dans le futur, que nous avions l’impression d’attendre LA révélation et qu’au lieu de profiter du présent, nous passions nos soirées à scruter les divers programmes d’études en quête de la perle rare.
 
Je suis consciente qu’au fil des ans, en vivant diverses expériences, je me découvrirai peut-être une passion dont je ferai mon métier. Si ce jour là arrive, c’est tant mieux mais, pour le moment, c’est correct d’arrêter de vivre dans l’attente et de profiter de la vie. C'est correct que je ne me définisse pas par ma job. Nous sommes plus qu'un diplôme, un titre d'emploi ou un chèque de paye après tout.
 

Crédit : Giphy
 

La question que je me pose est la suivante : Considérez-vous que votre épanouissement doit nécessairement passer par votre carrière, que votre sentiment d’accomplissement peut provenir d’autres sphères de votre vie? Ressentez-vous aussi, malgré vous, une certaine honte à parler de votre job alimentaire avec certains types de personnes?

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