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Beauté et rivalité dans la famille
Crédit: Annie Nonyme

Tu me passes le poivre et, même avec de la sauce brune sur le menton, tu ferais tourner des têtes. En fait, tu donnes régulièrement des torticolis aux pauvres passants avec ta beauté qui ne laisse personne indifférent.

Les quelques années qui nous séparent te donnent la lumière verte pour enfin sortir du monde des enfants. Du haut de ta jeune majorité, tu commences à comprendre l’effet que tu as sur les gens. Pourquoi le gars au stand de crème glacée te l’a donnée gratuitement et pourquoi, généralement, la gent masculine est tellement sympathique avec toi, même lorsque tu es bête comme tes deux pieds (qu’ils voudraient sûrement tous embrasser).

Tu es une des gagnantes de la loterie génétique. Je n’ai jamais vraiment réfléchi à l’impact de rencontrer les standards de beauté occidentaux dans le miroir, chaque matin : blanche, très grande, très mince, très symétrique, très semblable à un mannequin. Je n’ai jamais vraiment été d’accord avec ces standards et j’ai toujours trouvé de la beauté dans les petites « imperfections » des gens, mais l’impact que tu as sur ceux-ci, lorsque je suis avec toi, est palpable. C’est comme si tu étais une célébrité en training, une photo de mannequin ambulante et, tranquillement pas vite, tu commences à t’y faire.

Je ne me considère pas particulièrement jolie, mais les rares occasions où j’étire mon rituel de beauté pour me maquiller, me coiffer, je m’assure de ne pas être en famille avec toi. Si je me « fais belle » (drôle d’expression pour une fille médium qui se sent médium autant niveau poids que du côté de l'apparence, la plupart du temps), c’est pour moi avant tout, mais je ressens un pincement de jalousie chaque fois qu’une tante vante ta beauté et ton intelligence, et qu’on me félicite surtout pour mes accomplissements de vie. C’est dans l’absence de commentaires que j’ai le plus mal, car par rapport à toi, j’ai l’impression de souvent n’être qu’un cerveau.

Je ne ferai jamais tourner des têtes comme toi, c’est correct comme ça. C’est ce que je connais. Nous sommes une majorité à être invisibles, mais je t’envie parfois.

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