Née pour être nounoune

Au secondaire, quand je voyais un garçon qui me plaisait, ma voix devenait soudainement aigüe, et mon cerveau perdait tous ses repères. Le mode séduction était activé. J’étais conditionnée à ne pas être la fille qui sait tout, parce que je savais que ce n’était pas sexy.

Dans plusieurs films hollywoodiens, les filles ultra-intelligentes sont indésirables. Elles n’attirent pas les beaux gars, seulement les bonnes notes. Et puis, si elles ont la beauté et le cerveau, c’est parce qu’elles sont les assistantes d’un homme plus intelligent, elles ne sont pas les leaders. Une meneuse, c’est fatiguant.

Dans ma tête d’adolescente qui veut absolument plaire, j’avais donc le réflexe imbécile de mettre mon intellect à off pour bien prouver mon infériorité et éviter d’humilier un garçon en le corrigeant.

Aujourd’hui, je réalise que les femmes sont choquantes lorsqu’elles ont raison. On les définit souvent de « gossantes » ou de « germaines » quand elles disent à voix haute les bonnes réponses. On préfère demander l’avis de leur mari.

Récemment, j’ai eu des problèmes avec ma voiture. J’ai dû m’arrêter sur le bord de la route. L'amie avec qui j'étais a eu la brillante idée d’appeler son amoureux, Gabriel, qui finit bientôt son DEP en mécanique automobile. Nous savions donc quoi faire jusqu'à ce qu’il arrive. Dans l’attente, plusieurs hommes se sont gentiment arrêtés pour nous offrir leur aide.
 
Deux hommes sur trois ne nous ont pas écoutées quand nous leur avons dit que nous étions correctes seules et qu’il ne fallait absolument pas toucher à un bouchon en particulier. Malgré nos avertissements, l’un d’eux a réussi à ouvrir le bouchon et il a foutu son doigt dans le liquide après nous avoir fermé la gueule avec un argument absolument dégueulasse. Je ne veux pas répéter ce qu’il a dit mais, en gros, il remettait en question la masculinité des hommes qui sont prudents.
 
Il nous a ensuite traitées de menteuses parce que, selon lui, nous avions mis de l’eau dans le liquide refroidisseur. Nous étions écœurées de nous faire parler comme à des enfants et j’avais beau lui dire qu’on allait s’en sortir seules, il restait là. Je suis pas mal certaine que si un homme avait été avec nous, il serait reparti rapidement et peut-être même qu’il ne se serait jamais arrêté. Mais la parole de deux femmes, ça ne compte pas.

Il n'y a pas de mal à se faire aider par un homme. Par contre, il y a une manière de le faire. De son côté, Gabriel nous a montré quoi faire sans nous prendre pour des nounounes et sans être insulté si nous devenions aussi douées que lui.

J’ai hâte qu’on arrête de prendre les femmes pour des incompétentes bonnes pour l’ignorance. J’ai hâte que ce ne soit plus un moment historique qu’une femme soit à la tête d’un pays. J’ai hâte que les femmes soient invitées dans les man talks pour parler de leurs propres idées. J’ai hâte de me sentir à ma place à l’école quand les auteurs étudiés ne seront plus majoritairement des hommes.

Nous avons aussi des idées. Nous avons des projets ambitieux ou simples qui valent la peine d’être pris au sérieux. Nous ne sommes pas vos assistantes, plus maintenant.