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L’année de mes 12 ans, ou comment la musique m’a empêché de me suicider – Partie 2
Crédit: PrinceOfLove/Shutterstock
Première partie ici.
 
L’entrée au secondaire dans un milieu hostile et violent où je ne me sentais pas en sécurité, un diagnostic de diabète juvénile de type 1, des injections et des piqûres quotidiennes pour le reste de ma vie, pour un jeune de 12 ans, tout ça commençait à devenir éprouvant.
 
Malgré la déprime et les idées noires, j’essayais tant bien que mal de calmer ma douleur avec la musique et l’instrument que je venais juste de découvrir : la guitare.
 
Au moins, au milieu de mes malheurs, j’entrevoyais tout de même une bonne nouvelle. Durant mes traitements, mon père était venu me visiter à l’hôpital. Depuis qu’il avait divorcé de ma mère lorsque j’avais trois ans, il n’a jamais été vraiment présent pour moi et mon frère, venant nous chercher de temps en temps quand ça lui tentait pour une fin de semaine, où il nous pluggait devant la télé ou les jeux vidéo toute la journée pour avoir la paix, plutôt que de passer du temps avec nous. Qu’à cela ne tienne, à 12 ans, ton père, ça peut être Hitler, tu vas l’aimer pareil. Juste parce que c’est ton père.
 
En plus, il était venu à l’hôpital spécialement pour me voir, pour me dire que tout allait bien aller et être correct, que nous allions comprendre ensemble comment ça marchait cette maladie-là pour que je puisse bien suivre mes traitements. J’étais rassuré, c’était la première fois que je me sentais soutenu par lui. Peut-être bien qu’il allait venir nous chercher plus souvent, mon frère et moi, à partir de maintenant…
 
…à 12 ans, on est naïf.
 
« Papa ne peut plus venir vous chercher, c’est trop compliqué pour lui et sa blonde, cette maladie-là ». Les paroles sont floues dans ma tête, mais c’est grosso modo le discours qu’il me donna au téléphone quelques semaines après sa visite à l’hôpital. Il n’est jamais revenu. À 12 ans, on est encore jeune, mais pas complètement con. J’ai compris que mon père était en train de nous abandonner définitivement. Quelque chose à l’intérieur de moi s’est brisé ce jour-là. C’était la première fois que j’avais réellement envie de mourir.
 
Un abandon, ça laisse de très grosses traces. Parfois pendant de nombreuses années. Cette douleur psychologique atroce, tellement forte qu’elle devient physique. Cette impression d’avoir un trou noir en plein milieu de la poitrine qui nous saisit, nous gruge, nous empêche de dormir le soir. Qui eut cru qu’à 12 ans, un de nos plus grands talents peut être de pleurer tous les jours en cachette et de souffrir au point d’envisager de mettre fin à nos jours, le tout sans laisser paraître quoi que ce soit à qui que ce soit? Encore aujourd’hui, la plupart de mes amis ne connaissent même pas les détails de cette histoire, dont les cicatrices brûlent encore quinze ans plus tard. Un jour, peut-être que j’arriverai à me débarrasser complètement de la douleur reliée à cet épisode précis de ma vie. En attendant, à ma grande surprise, mettre mes émotions complètement à nu par écrit m’apaise… en quelque sorte.
 
Après cet abandon parental, dans la période où j’aurais probablement eu le plus besoin du soutien d’une figure paternelle, un dernier clou vient s’enfoncer dans mon cercueil. Dans l’état émotionnel lamentable où j’étais, ma mère m’annonce que nous déménageons à Saint-Jérôme, dans une maison qu’elle fait construire avec son chum. Moi qui ai toujours habité à Montréal, je vais maintenant perdre tous mes amis et déménager dans une ville que je ne connais pas. C'est à ce moment précis qu'avec le recul, alors que toutes les sphères de ma vie se retrouvent d’un coup sur le respirateur artificiel, je suis convaincu d’être entré en dépression.
 
Je pouvais rester en vie ou non, ça m’était devenu égal.
 
La suite bientôt.
 
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