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La fois où j’ai décidé de ne plus être un tapis : constat d’une citoyenne engagée
Crédit: Eugenio Marongiu/Shutterstock

Quand j'étais petite, je ne parlais pas souvent de ce qui me dérangeait. Je gardais mes émotions bien enfouies profondément en moi. J’étais incapable de faire preuve d’une quelconque affirmation personnelle.

Un jour, ma mère, qui n'en pouvait plus de me voir aussi renfermée, a pris le tapis devant la porte d'entrée et m'a demandé ce que c'était. Incrédule, je lui ai répondu que c’était un tapis. Plutôt évident, t'sais. Elle a alors marché dessus en le piétinant. Je ne comprenais pas ce qui se passait du haut de mes 9 ans. Ma mère m'a regardée très sérieusement et m'a dit : « C'est toi le tapis, Marie. Chaque fois que tu ne parles pas, que tu ne t'exprimes pas, les gens te marchent dessus, comme je marche sur ce tapis ». 

Crédit : Giphy
 
J’entends encore cette phrase qui résonne dans ma tête presque 18 ans plus tard. ​Depuis ce jour, je parle. Je m’exprime. Je crie même, quand c'est le temps. Je ne réagis pas à tout, mais pour les personnes et les causes qui me tiennent à cœur, certainement. J’ai compris que les mots sont puissants, qu’on les utilise pour faire avancer les causes sociales ou pour shamer un individu qui sort des conventions. #SafiaNolin

 

J’ai fait le choix de ne pas me taire lorsque je suis confrontée à des situations qui m’indignent. Peut-être que mon sens des valeurs est surdéveloppé, peut-être que je suis hypersensible, mais je préfère me dire que je suis simplement une citoyenne engagée, une activiste. Au secondaire, ça paraissait bien dans les débats oratoires et les lettres ouvertes. En tant qu’adulte, on devient moins cool, on dirait. C’est déprimant.
 
Les commentaires me le rappelent bien souvent sur Facebook :
  • « Ben voyons, c'est même pas ta vie, prends-le pas personnel. »
  • « Pourquoi tu t’impliques dans cette cause? Ça donne rien anyway. »
  • « Pourquoi tu réponds aux commentaires des lecteurs de nouvelles? C’est juste drôle, les gens sexistes. »
  • « Ça paraît que t'as pas de chum, sinon t'aurais pas le temps de t’investir dans ce projet. »
  • « Tu es féministe, c’est juste pour ça que ça te fait réagir. »
NON. NON. ET RE-NON.

Je réagis parce que ça me tue de voir des gens ridiculiser les victimes de viol. Parce que je trouve ça aberrant qu’un journaliste soit mis sur écoute par la police #BigBrotherIsWatchingYou. Parce que les élections américaines sont pires à regarder que l’émission Célibaires et nus et que ça me fout la trouille pour les années futures. Parce que les blagues sexistes et dégradantes ne me font pas rire du tout.

Je ne réagis pas parce que j’ai du sable dans le vagin. 
Je le fais parce que j’ai un cerveau dans la tête.

Est-ce un problème de dénoncer? De vouloir mieux comme société? Définitivement pas. Alors pourquoi #LesGens essaient-ils de nous détruire sur les réseaux sociaux et de nous piétiner? Le terme SJW (Social Justice Warrior) a même été inventé, tout comme des memes portant ce nom, afin de mépriser tous ceux qui réagissent en manifestant dans les rues, en prenant part au débat. C’est vrai que c’est drôle des citoyens qui questionnent le système, hein? C’est facile d’en rire.

Crédit : imgflip.com

Je suis peut-être une SJW, comme on se plaît à le dire, et je vise probablement un monde utopique, mais au moins j’aurai pris la parole, j’aurai pris part au mouvement. L’important n’est pas de choisir toutes les causes ou de participer à toutes les batailles, mais d’en choisir une et de le faire au bon moment. L’important, c’est d’utiliser sa voix et de se faire entendre.

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