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Virginie Brunelle, une élégie à la douleur
Crédit: Robin Pineda Gould
« Qu’est-ce que le spasme de vivre
À la douleur que j’ai, que j’ai. »

Ces paroles de Nelligan entremêlées au froid enveloppant laissé par la première neige sont tout indiquées pour parler de la plus récente création de la Compagnie Virginie Brunelle. À la douleur que j’ai, présenté en première mondial à l’Usine C, est un commentaire poignant et poétique sur les relations humaines, sur l’absence et sur la beauté brutale des souvenirs.

Cinquième création de la jeune chorégraphe, le spectacle se présente sous une succession de tableaux au style épuré, où les six danseurs – deux hommes et quatre femmes – vont et viennent l’un vers l’autre dans une sorte de flux du destin dicté par la mélancolie. Un caractère à la fois romantique et sublime se dévoile au fil de la performance qui évoque tout à la fois, par l’esthétique qui en émane, différents médiums artistiques : le dynamisme du théâtre, le lyrisme de la musique et la malléabilité des formes et de la lumière que l’on retrouve en peinture.

Les productions de la diplômée de l’UQAM sont reconnaissables par leur rythme saccadé et leur rendu athlétique. Ici, une sorte de fluidité libératrice s’émane des mouvements. Sous chaque tableau, les gestuelles parfois répétitives se développent en crescendo, se modulant dépendamment des interactions entre danseurs, tenant compte de leur différences physiques et de leur charge émotive respective. On oscille entre dureté et concision et une amplitude, un abandon du geste. 


Crédit : Agoradanse/YouTube

Comme l’indique la chorégraphe : « Dans cette création, cette recherche de sens et de vérité, je l’ai trouvée dans la simplicité, dans l’impulsion vive d’un geste qui s’épuise, se fige ou se brise; dans les contrastes entre vitesse et immobilité. » Comme dans une symphonie, c’est cette balance entre les rythmes et les intensités qui réussit à créer un univers esthétique qui bouleverse profondément.

Le traitement du sujet de la douleur aurait pu facilement tomber dans le cliché, mais Virginie Brunelle a su appliquer une retenue et un contrôle dans ses choix chorégraphiques, préférant laisser la mélancolie se hisser lentement, se construire au fil des gestes, jusqu’à un trop-plein. Le public peut alors découvrir les subtilités dans la performance de chaque danseur, avec ses propres représentations de l'expérience humaine et viscérale de la nostalgie. 

Les spectateurs sont sollicités sans cesse à travers le regard des danseurs, tournés vers la salle, exhibant différentes expressions faciales qui transmettent de façon empathique un moment d'intense vulnérabilité. Par ce contact presque forcé avec l’autre, à travers un thème aussi universel que la douleur, cette production demeure très accessible au grand public, même pour ceux qui viennent tout juste d'être initiés à l’univers de la danse contemporaine.

À la douleur que j’ai est une œuvre lyrique empreinte de la douceur cuisante des échecs interpersonnels, de l'indicible besoin de l'autre et de l’indulgence de la vie qui passe.

À la douleur que j’ai est présenté à l’Usine C du 23 au 26 novembre.
 

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