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La sapiosexualité, concept toxique?
Crédit: Dmitry Guzhanin/Shutterstock

Fermement féministe et militante, j’aime être bien informée sur les nouveaux concepts qui entrent dans notre vocabulaire et dans notre intellect commun. Il y a environ un an, j’ai entendu pour la première fois parler de la sapiosexualité. Ne sachant pas ce que c’était, je me suis abstenue de commenter. J’ai réfléchi à ce concept qui était nouveau pour moi et petit à petit, je me suis fait une opinion. Je vous le dévoile d’avance : mon opinion est bien loin d’être positive en ce qui a trait à la sapiosexualité. Je trouve que le concept n’a ni queue ni tête puisque sa base même reste très floue, que la sapiosexualité est classiste, élitiste et relève de privilèges.

C’est suite à un article paru il y a peu de temps sur Broadly, une branche de Vice, qui dénonçait la sapiosexualité, que j’ai commencé à en parler beaucoup avec mon entourage pour finalement me rendre compte que plusieurs partageaient mon opinion.

D’abord, si la sapiosexualité est décrite comme une attirance envers les personnes intelligentes, peu s’entendent sur ce qu’est l’intelligence et où s’arrête le jugement sur celle-ci afin de définir la sapiosexualité. Il y a plusieurs types d’intelligences et il revient alors au sapiosexuel de les classer en fonction de valeur intellectuelle ce qui, en soi, est classiste et élitiste. Est-ce qu’un type d’intelligence en vaut vraiment plus qu’un autre? Ne percevons-nous pas tous l’intelligence de manière différente? D’ailleurs, ne cherchons-nous tous pas une personne avec qui nous pouvons connecter intellectuellement, peu importe notre niveau ou notre type d’intelligence? Je ne connais personne qui dise « moi je cherche une personne idiote ».

En se fiant à l’étymologie du mot, on en déduit que la sapiosexualité se veut une orientation sexuelle. Or, j’ose croire que l’attirance envers l’intelligence d’autrui relève plutôt d’une simple préférence personnelle (partagée par énormément de gens), au même titre que moi, je suis attirée par les personnes qui sont grandes. Je n’ai aucun malaise avec l’idée d’avoir des « critères » pour son attirance sexuelle ou romantique à une autre personne, mais je ne pense pas que ces préférences aient leur place parmi le spectre des orientations sexuelles. L’attirance de genre et l’attirance d’une qualité sont loin d’être la même chose.

Dans le cas où l’on choisirait de définir la fameuse intelligence qui attire les sapiosexuels avec des critères qui incluraient les diplômes, l’intellectualisme, le grand bassin de culture générale, les livres lus, etc., on entre immédiatement dans une logique classiste puisque le développement de l’intelligence est facilité par les privilèges dont on jouit à la naissance. Je m’explique. Ce n’est pas donné à tout le monde d’apprendre à aimer lire (et même d’apprendre à lire), de se bâtir une culture générale, d’avoir accès à des livres ou d’aller à l’école. Dans certaines familles où chaque nouvelle journée est une question de survie, on n’a pas le luxe de développer sa culture générale. Apprécier ce type d’intelligence parce qu’on s’y reconnaît relève également du privilège. Puis, si c’est l’image d’une personne tenant un diplôme ou lisant un livre qui vous excite, alors là, nous sommes plutôt dans l’ordre du fétichisme.

Finalement, ce qui me trouble le plus avec toute cette histoire de sapiosexualité, c’est le besoin qu’ont ceux qui s’y identifient de le show off. Revendiquer son orientation sexuelle ou romantique, c’est en rapport avec son oppression. Plusieurs groupes marginalisés et opprimés se sont battus très fort pour faire reconnaître leur orientation sexuelle (ou même leur genre) et je trouve ça vraiment dommage que le fait qu’il y ait un éventail d’orientations sexuelles soit repris pour le dénaturer. Lorsqu’on a besoin de dire haut et fort notre orientation sexuelle ou notre genre pour être reconnu, pour ne pas être oublié, c’est parce qu’on est opprimé. Comme je l’ai brièvement soulevé plus haut, être sapiosexuel n’a rien avoir avec l’oppression. De plus, ça n’a rien de marginal : c’est pour moi un flashage de privilèges. 

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