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Melbourne, 5 morts, 20 blessés : une tragédie étouffée
Crédit: cityofmelbourne/Instagram
Melbourne, 20 janvier 2017, 14 h. Une voiture fonce sur la foule et frappe de nombreux piétons. Le bilan au moment où j'écris ces lignes est de 5 morts et 20 blessés. 
 
J'y étais.

Quelques heures avant, j'étais prise d'admiration pour cette ville qui me rappelait Montréal, où je me sentais un peu chez moi. J'étais à 5 minutes de là au moment des événements. Sur le coup, je n'ai pas trop réalisé. Une voiture de police. Puis deux. Puis trois. Plusieurs sirènes au loin. C'était ma dernière journée de voyage. Je magasinais quelques petits souvenirs au centre-ville. Bien sûr, j'avais compris qu'il se passait quelque chose, mais à quel point? J'ai entendu quelques murmures.

En entrant dans un magasin, je suis tombée nez à nez avec une vendeuse peu bavarde. Les yeux rivés sur son cellulaire, elle m’a à peine saluée ; je n'ai compris que plus tard… D'abord en tombant sur la sortie du centre d'achats où je me trouvais barricadée par des tables et un ruban policier. Je voulais aller par là. Je suis sortie par l'autre porte pour emprunter la rue… barrée elle aussi. Des dizaines de voitures de police, une ambulance faisant aller ses sirènes et un tram immobilisé et vidé.
Plusieurs piétons observaient la scène. J'ai choisi de marcher. J'ai marché un coin de rue sans pouvoir tourner. Puis deux. Puis trois. Avant de réaliser l'ampleur de l'événement dont je ne connaissais pas la cause.

J'ai vite recherché sur Internet et j'ai soudain eu envie de me cacher. Oui, parce que je sentais le danger dans la ville. Parce qu'une atmosphère de terreur régnait. Mais surtout parce que je me sentais imposteur. Parce que ce malheur ne m'appartenait pas. Je voulais laisser la population vivre sa tragédie en toute intimité. Je me sentais comme la voisine d'un couple qui se sépare en plein restaurant. Il n'y a rien à faire. Rien à dire. On veut juste être ailleurs. Je me voyais mal aller siroter un verre au bar du coin en lisant tout bonnement mon roman. 

Je suis rentrée, j'ai allumé les nouvelles et j'ai ressenti, avec les Melbournois, la peine et le désespoir de la tragédie. Malgré mon manque d’appartenance avec cette population, malgré mon statut de touriste, je me suis sentie interpellée par la douleur de cette ville. Je ne connaissais personne à Melbourne cet après-midi-là. Aucune connaissance, aussi éloignée soit-elle, n'aurait pu être sur place à ce moment-là et pourtant, j’ai senti que j’entrais dans l’intimité de ces gens, au plus profond, et que cet après-midi resterait marqué à tout jamais dans mes pensées.

J’étais là, à Melbourne, le 20 janvier 2017 à 14 h lorsqu’un homme a foncé sur la foule avec sa voiture, tuant cinq personnes, dont un bébé de trois mois et en blessant une vingtaine d’autres.
 
Le lendemain matin, aux nouvelles nationales, on ne parlait plus de la tragédie. L’investiture de Donald Trump avait eu lieu durant la nuit… Pourtant, quatre jours après, j'ai envie d'en parler encore. Pour qu'on ne fasse pas comme si rien n'était arrivé.   

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