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J’ai longtemps valorisé le travail sans effort, et maintenant je réalise
Crédit: Jordan Whitfield/Unsplash
Je travaille avec des enfants en difficultés depuis quelques années. Cette année plus particulièrement, j’ai travaillé avec des enfants pour qui apprendre à lire était vraiment rushant.

C’est drôle, parce que je ne me souviens pas d’avoir appris. J’étais en maternelle et il me semble que tout d’un coup, je savais. Je pense qu'apprendre à lire a été une chose que j’ai accomplie avec facilité. C’est donc vraiment spécial de consacrer tant d’efforts à disséquer et expliquer une connaissance qui m’a toujours parue simple et qui pourtant est tellement ardue et obscure pour mes élèves.


Crédits : Giphy

Je dois dire que j’étais douée à l’école, je n'avais pas à fournir d'efforts particuliers. J’ai honte de le dire, mais j’ai longtemps valorisé le travail sans effort. En effet, je prenais une fierté particulière à vivre des succès faciles et je considérais mes résultats comme plus valables que ceux de mes paires qui trimaient. J’aimais réussir facilement et si je ne vivais pas de réussite rapide dans un domaine, c'est que je n’étais pas douée et ça n’en valait pas la peine. Je reléguais donc cette activité aux oubliettes et hop! on n’en parlait plus.
 
Bien évidemment, cette façon de voir est problématique et je n’ai pas eu le choix que de modifier mon schème de pensée lorsque j’ai été confrontée à des obstacles et que, soudain, je n’avais pas le choix de fournir des efforts. Étrangement, les réussites qui m’avaient demandé un travail plus soutenu et pour lesquelles j’avais dû surmonter plus d’obstacles me rendaient plus fière, m’apparaissaient plus méritées.
 
C’est en côtoyant des enfants qui vivent des difficultés que je ne soupçonnais même pas que j’ai compris à quel point le travail et les efforts sont nobles et importants. Je les trouve bon.ne.s, je suis fière d’eux.elles. Fière de leurs progrès, mais surtout de leur détermination et de leurs efforts acharnés. Et quand je pense qu’il y a sûrement des enfants comme moi dans leur classe, des enfants qui se pensent au-dessus d’eux.elles à cause de leur facilité, ça me fâche et ça me peine.

Chaque lutte, chaque effort mené, possède une valeur qu’on ne peut mesurer et même si ce n’est pas facile, ils.elles apprennent des habiletés qui les outilleront probablement mieux que certain.e.s. Ils.elles apprennent qu’on ne peut pas traverser la vie sans heurts et que face aux obstacles, le seul choix qu’ils.elles ont est de travailler et de persister.

Je réalise que ce mérite que je m’attribuais s’appliquait uniquement à mes capacités cognitives, mais l’important, finalement, c’est l’usage que j’en fais. Il en va de même pour tous les privilèges et atouts : c’est beau, c’est bien, mais ça n’a de valeur que si on choisit de mettre ces qualités en œuvre judicieusement.

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