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« Doggy dans Gravel » : esthétique du paraître
Crédit: Théâtre Denise-Pelletier

Pour ouvrir la saison 17-18 au théâtre Denise-Pelletier, la compagnie de théâtre Kata nous présente la pièce Doggy dans Gravel, qui avait également été au programme lors du Festival St-Ambroise Fringe. Le prometteur metteur en scène et auteur diplômé du Conservatoire d’art dramatique de Québec, Olivier Arteau, nous propose un texte original dans un décor de foin, avec une ambiance digne d’un club de douchebags downtown. Il tente de souligner avec un humour grinçant le vide de notre génération, hypnotisée par la pop culture, l’Internet et l’hypersexualisation.

La pièce réunit des personnages issus de milieux et de classes sociales différentes : il y a des scouts coincés, awkward et immatures ainsi que des filles qui se la pètent avec leur cigarette et qui se définissent par leur sexualité (ou plutôt l’idée qu’elles se font de la sexualité). Tout ce monde sera réuni à l’occasion de leur après-bal, dans un champ, à expérimenter l’excès que l’on vit tous en fin d’adolescence, à la découverte maladroite de l’âge adulte.

Le personnage principal, Maverick, qui agit en anti héros à la Michael Ceraest un scout geek et peu expérimenté qui convainc ses comparses de se rendre à l’après-bal parce qu’« à soir, on french! » Iels vont rejoindre l’intransigeante et poupoune Kimberly Gravel et ses minions, axé.e.s sur leur apparence et leur image que ce soit sur les réseaux sociaux ou IRL. La scène devient témoin d’une soirée bien arrosée avec une ambiance de party de sous-sol et d’enterrement de vie de jeune fille dans un club de strippers, toujours dans un mélange d’insouciance et de cruauté .

Ce qui m’a le plus frappée lors de cette représentation, c’est la direction artistique renversante ; c’est une grande force de la jeune compagnie de théâtre qu’on avait pu également observer dans leur pièce Le Monstre, présentée au Fringe 2014. La conception de la scénographie de branches de foin dispersées à travers la pièce, accompagnées d’un drum, nous transporte efficacement dans l’univers de ces adolescent.e.s qui veulent grandir trop vite. L’éclairage alterne entre montrer les scouts et les douchebags dans leur quotidien à se masturber, à essayer en vain de vendre du chocolat, à fumer des topes en cherchant une bague de fiançailles et des scènes explicites dignes d’un night club avec des tons magenta et violets. Les maquillages sont extravagants pour aller de pair avec les personnages ; les sourcils sont recouverts de fond de teint et redessinés en un épais trait noir, arqués ou à la Drag Queen, question de grossir davantage la caricature.

Aussi, j’ai aimé voir un véritable travail corporel durant le spectacle. Arteau sait comment fondre la danse et le théâtre en un, exploitant le meilleur outil d’un acteur : le corps, quelque chose de trop souvent négligé. Ici, le texte se repose sur le corps d’abord et avant tout, qui le porte avec brio et qui forme une sorte de poésie.

La langue est efficace et reflète notre génération de façon impeccable dans un slang franglais, de façon crue, franche, mais aussi parfois gratuite pour dénoncer les préjugés et la culture du viol. Certes, la ligne peut être mince entre montrer un stéréotype caricaturé des problématiques d’une génération trop axée sur le paraître et illustrer le comportement des garçons, trop souvent banalisé, même si la pièce tente de montrer entre autres que nous sommes des dérivés de la culture du viol à un juste niveau.

Doggy dans Gravel, en représentation au théâtre Denise-Pelletier à la salle Fred Barry jusqu’au 16 septembre. Procurez-vous vos billets ici.

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