Aller au contenu

Se faire des ami.e.s chez IKEA

Auteur: Marjolaine David
Partagez : facebook icon twitter icon
Se faire des ami.e.s chez IKEA
Crédit: nomadFra/Shutterstock

Je suis arrivée à Paris il y a déjà 3 semaines. Les premiers jours, j’étais assez occupée par la paperasse, le rangement de mes valises et le désordre de ma tête. Assez rapidement, j’ai dû me rendre à l’évidence : ma chambre universitaire était vide, je n’avais ni torchons ni draps, j’allais devoir aller chez IKEA.
 
Ce qui peut sembler être de simples courses pour certain.e.s était une épreuve pour moi. Pas parce que je n’aime pas m’y promener, bien au contraire. Aller chez IKEA, c’est une aventure avec mes ami.e.s : manger des tonnes de boulettes, trottiner méthodiquement sur les flèches du show room, sauter sur les lits, imaginer la vie des gens qui habitent (la nuit) les pièces aménagées, acheter des gingersnaps à la sortie et essayer d’imbriquer tetris style tous nos achats dans une voiture trop petite.
 
C’était un jeudi. Mon passage obligé chez IKEA m’a mis au pied du mur : je n’ai pas encore d’ami.e.s ici. Je sais que je m'en ferai. Je suis gentille et avenante quand je veux. Je sais que je rencontrerai des gens à l’école. Mais cette journée-là, je me sentais terriblement seule.
 
Je suis entrée dans la navette gratuite. Dans l’autobus, il y avait juste des couples, des ami.e.s, des familles. J’étais la seule toute seule. Il y avait trois personnes assises pas trop loin de moi qui avaient l’air sympa. Face à mon envie de passer une belle journée, j'ai osé leur demander si je pouvais me greffer à elles. Est-ce que je peux passer l'après-midi avec vous?
 
Je leur ai dit de se sentir à l’aise de me dire non, mais ils.elles ont accepté de me laisser vadrouiller à leurs côtés. Au début, c’était un peu awkward. Ils.elles étaient pogné.e.s à répondre à des questions banales : C’est quoi vos noms? Qu’est-ce que vous faites dans la vie? Vous venez vous chercher quoi au IKEA? J’ai l’impression que rapidement la gêne est passée. Je ne vous dis pas que ce sont devenu.e.s mes meilleur.e.s ami.e.s, juste que je suis quand même gentille et avenante pis que c’est devenu plus agréable. Nous avons mangé du saumon fumé avant de zigzaguer dans les rangées. Je me suis aussi découvert un excellent partenaire pour imaginer les détails des vies de Virginie, Florence, André, Odette ainsi que de leurs voisin.e.s.
 
Comme d’habitude, la facture était plus élevée que prévue et nous avons eu de la difficulté à faire rentrer tout le monde et tout le stock dans le véhicule au retour. Je leur ai même donné mon numéro de téléphone en sachant très bien qu’ils.elles ne me rappelleront jamais.
 
Et ce n'est vraiment pas important à mes yeux.
 
Je leur ai demandé de les accompagner. J’ai réussi à dépasser l’éternel questionnement qui paralyse souvent ma tête : J’le fais? J’le fais pas… J’le fais? J’ai accepté de vivre le bref moment de vide qui se crée après une décision précipitée. Je me suis sentie bien avec l’imprévisible. J’ai réussi à affronter ma crainte du rejet.
 
Pour moi, ce n’est pas rien. Je trouve ça vraiment difficile de me faire des ami.e.s. Comme je ne sors pas trop de chez moi et que je ne connais personne pour jouer le rôle de l'ami.e commun.e, mon choix se restreint aux trois étudiant.e.s qui assistent aux mêmes cours que moi. Demander à quelqu'un.e d'être son ami.e, il paraît que c'est weird. On dirait que, comme en amour, ça doit être le coup de foudre. Comme je ne comprends pas toujours comment approcher les gens, je finis souvent par rester  dans mon coin.
 
Alors, quand je suis rentrée en vélo chez moi avec des nouveaux draps, j'étais assez fière de moi. Même si je ne me suis pas fait des ami.e.s chez IKEA…

Plus de contenu