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C’était juste pour rire!

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C’était juste pour rire!
Crédit: Asya Vee/Unsplash

NDLR : Dans la vague de dénonciation qui a suivi les révélations sur Weinstein, nous avons décidé de publier ce témoignage sur le harcèlement dans le milieu du travail afin de montrer que la situation est réelle ici même. De plus, en plus de personnes qui parlent des comportements de certaines personnalités publiques (dont un vibrant témoignage ici).Nous avons voulu vous partager ce texte, une réécriture d'un statut Facebook qui s'est pas mal promené. 

Été 2016 : je travaillais pour un organisme en tant qu’animatrice-cycliste. On pédale en transportant maximum trois personnes assises sur un banc derrière nous. Cet été-là, notre équipe a été embauchée par le festival Juste pour rire. Un soir, je dois embarquer Gilbert Rozon ainsi que deux de ses employés sur mon vélo pour un voyage d’environ 10 minutes. 

À bord, ils jasent entre eux : un des passagers dit qu’il aurait préféré engager des voitures au lieu de nos services. Rozon répond que lui, il est bien content de son choix puisqu’il a vue sur mon « beau dos cambré ». « Ça doit être ferme ces cuisses-là? », qu’il lance. Rires des employés. C’est à ce moment qu’il détache son foulard et se met à me fouetter « le beau dos cambré » comme si j’étais un animal de calèche. Rires.

Je fige. Je fais un petit rire niaiseux. Je me sens totalement humiliée. Je cherche à dissimuler mes larmes. Puis, il décide qu’il prend le contrôle, que c’est lui qui pédale et je dois aller m’asseoir avec ses boys en arrière. Il termine en me donnant un pourboire pour que je m’achète une bière, le gentleman.

J’écris ce texte dans le but de sensibiliser les harceleurs. Il est impératif, à mon avis, que ceux qui posent ce genre de gestes prennent conscience que leurs actions peuvent créer un traumatisme. Ce n’est pas anodin. C’est du harcèlement sexuel. Gilbert Rozon : mon corps m’appartient, tu ne peux pas te l’approprier, me sexualiser et m’humilier comme bon te semble. Tu m’as réduite à un objet. Tu m’as terrifié au point où j’étais figée. On pourra m’accuser d’être trop susceptible, me dire que ce sont des blagues, des compliments même, mais cela banaliserait l’effet que cet épisode a eu sur moi. 

La complicité de ceux qui l’accompagnaient rend cela encore plus intolérable.

Quelques jours plus tard, j’ai signalé la situation auprès de mon employeur. Il s’est contenté d’être désolé. Bien sûr, il reconnaissait que ce que j’avais subi était mal, mais il n’y a pas eu de suite. Je suppose que c’est en partie parce que l’organisme n’aurait pas pu survivre si cela n’avait été du contrat avec Juste pour rire. Ici, l’argent était prioritaire à mon intégrité.

On m’a proposé de postuler pour un poste pour l’été 2017. J’ai considéré accepter l’offre d’emploi jusqu’à ce que je vois qu’une photo de Gilbert Rozon sur un de nos vélos apparaît dans un de leurs dépliants marketing de la saison.

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