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Compte rendu d’une conférence féministe mouvementée au Cégep de Trois-Rivières
Crédit: Andrei Stratu/UNSPLASH

Mercredi le 7 mars, soit la veille de la Journée internationale de la lutte pour les droits des femmes, Martine Delvaux était invitée au Cégep de Trois-Rivières pour donner une conférence sur la culture du viol.

Évidemment, j'y étais, accompagnée de parents et ami.e.s. 

Nous avons été étonné.e.s de voir que les places du grand amphithéâtre du cégep étaient remplies de cégépien.ne.s. Cyniquement, nous avons hasardé que la plupart devaient avoir été sommé.e.s d'assister à la conférence dans le cadre de leurs cours. Nous avions raison, ce qui promettait une soirée intéressante étant donné que l'auditoire n'était pas composé que de convaincu.e.s. 

En fait, c'est un magnifique texte en prose que Mme Delvaux nous a récité, qui couvrait du mouvement #AgressionNonDénoncée au #MeToo en passant par les propres expériences de la conférencière, sans oublier des statistiques sur les agressions sexuelles et la question des rôles de genre et des conditionnements sociaux. Elle a aussi abordé l’indécence de l’expression « chasse aux sorcières » dans le contexte, car on l’applique à des hommes ; Mme Delvaux a affirmé, avec justesse, que les vraies sorcières étaient les victimes qu’on cherche à faire taire, et pas leurs agresseurs.

Derrière nous, un groupe de jeunes hommes n'avait de cesse de médire de leurs profs féministes, du mouvement lui-même et de la conférencière. On avait droit à de délicieux « on sait ben qu’elle aime pas les hommes parce qu’elle a pas assez de sexe ». Une jeune fille assise à leurs côtés s’empressait de se distancier des propos de la conférencière en opinant qu’elle généralisait.

À la période de questions, on sentait que l'auditoire était fébrile, que la conférence était venue attaquer une fibre en eux. On a eu droit à un professeur de sciences (!) qui a commencé par féliciter Mme Delvaux de ne pas avoir commis les dérapages propres à son mouvement… Il a débuté sa harangue par le fait « qu[‘il] n'aime aucun mot en -iste car ils sont tous nuisibles aux rapports entre êtres humains, comme masculiniste ou féministe, et que le mieux c’est d’être HUMANISTE ». Il a aussi cru pertinent de mentionner qu’il ne s'identifiait pas, LUI, au portrait des hommes qu'avait « peint » Mme Delvaux (ce à quoi elle lui a répondu un laconique « bravo » accueilli avec des applaudissements).
 
En gros, son discours sous-entendait qu’il y avait exagération, généralisation, voire du mensonge… À ces mots, une jeune femme que j’ai reconnue comme une amie à nous, qui attendait déjà son tour au micro, a interpellé l’homme sur sa présence dans une conférence féministe pour promouvoir sa vertu de non-agresseur et de surcroît ajouter une couche de suspicion sur le dos des victimes. La foule bouillonnait ; les applaudissements se mêlaient aux exclamations.
 
Le professeur de sciences a quitté la salle avec à sa suite une fille qui est sortie avec fracas en guise de soutien, et on est passé aux autres questions. Parmi elles : « comment faire la différence entre un compliment et du harcèlement », « de quelle façon le système de justice peut être mieux adapté pour aider les victimes » et, venant des étudiants en techniques policières, « comment les policièr.e.s devraient-iels agir lorsqu’iels interviennent sur des cas d’agression sexuelle ». On avait presque quelque chose comme un dialogue!

Enfin, Mme Delvaux a répondu à la « question » du prof de science à l’intention de la foule en guise de conclusion, disant que le féminisme et l’humanisme ne s’opposent pas, mais qu’il est trop tôt pour parler d’égalité, qu’il reste encore du travail à faire pour justifier un « humanisme » de fait.

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