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Aller trop loin

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Aller trop loin
Crédit: freestocks.org/Unsplash

Ça fait quoi, un an que je veux écrire là-dessus et que je ne trouve pas les mots? Je ne sais plus. J’ai essayé de me concentrer sur autre chose, mais aussi de patcher le mal qui avait été fait dans les endroits qui me tiennent le plus à cœur : mes sites.
 
Je pourrais aussi vous mettre en contexte. L’année dernière, je faisais partie d'un groupe Facebook secret militant et ça jouait dur en tabarnouche. Récemment, il y a eu ce texte sur le site Medium et ça a permis à plusieurs personnes de parler de ce qu’on avait vécu.
 
J’ai toujours eu de la difficulté à parler de cette période. J’avais vraiment peur quand j’étais dans ces groupes. Peur de dire quelque chose de pas correct, peur de voir mes amies plus vulnérables se faire ramasser, peur de voir mes sites attaqués. Sauf que je dois aussi me dénoncer : j’ai moi aussi partagé des choses et pointé des personnes du doigt dans le but avoué de les voir se faire ramasser. Surtout, je dois le dire, je n’ai rien dit pour améliorer la situation. J’ai laissé s’installer un climat malsain dans mes communautés parce que je n’ai pas mis mes culottes pour sortir une personne toxique de mon site. Je me disais que tant qu’elle était proche de moi, c'était safe pour mes deux plateformes.

Tout le monde était stressé
Plus jeune, j’ai vécu de la violence et je me suis fait intimider au secondaire. Assez pour que le lundi, on me demande pourquoi je ne m’étais pas suicidée pendant la fin de semaine. Vivre dans des univers violents et stressants, ça me connaît. Mon mécanisme de défense a donc toujours été d’observer et de marcher sur des œufs.
 
Mais ce n’était pas assez.
 
Si on connaissait personnellement une personne qui avait un comportement problématique, on se faisait demander de lui parler. Notre liste d’ami.e.s était scrutée à la loupe pour s’assurer qu’on prenait nos responsabilités envers elle.ux. Qu’on les éduquait.
 
J’ai commencé à avoir peur de publier des choses, à avoir peur de parler de certaines affaires sur mon site. Un mini truc pouvait déclencher une tempête disproportionnée.
 
L’affaire, c’est que je n’ai rien fait, pis je m’en veux
Ça fait des mois que je m’en veux pis que je me dis que j’aurais dû mettre mon pied à terre là-dessus. Ça fait des mois que j’aurais dû bloquer les personnes que je trouvais toxiques. Je n’ai rien fait jusqu’à ce qu’il y ait la dernière des tempêtes, celle où j’ai pris mon courage à deux mains pour y mettre fin.
 
Je suis vraiment loin d’être une personne perfectionniste, mais mon doux que je sais que j’aime être une personne performante. J’aime aussi jouer safe, faire attention pour ne pas faire des moves cons et m’attirer des foudres qui ne serviront à rien de bon. Je suis active dans le milieu militant principalement parce que les injustices me décrissent. Quand on a vécu de la violence, je pense que ça nous sensibilise aux injustices, d’une certaine manière. J’aurais aimé me faire sauver avant, alors je tends la main pour m’assurer que les personnes vivent une meilleure vie aussi.
 
Le petit positif
Au moins, cette période de ma vie m’a permis de me faire des super bonnes amies, de rencontrer des gens vraiment intéressants et d’apprendre en mode accéléré sur plusieurs sujets que je ne maîtrisais pas. Sans blague, j’aimais vraiment ça même si c’était confrontant (quand ce n’était pas violent).
 
Aller trop loin/ se dénoncer/ se reconstruire
Je me demande toujours comment on fait, quand on a été trop loin, pour s’excuser vraiment à toutes les personnes à qui on a fait du tort. On fait comment pour s’excuser de la manière dont ç’a été fait, mais pas des idées derrière? Ça me fait plaisir de porter la responsabilité de ma participation à tout ça, mais je refuse aussi de penser que ça ne peut pas être mis dans un contexte particulier. 
 
Dans mes études en animation et recherche culturelles, j’ai suivi plusieurs cours de gestion et d’animation de groupe. Dans l’un d’entre eux, on parlait de la dynamique de groupe, et ça m’a toujours habitée comme théorie, surtout les rôles, la vie et la mort d’un groupe. Dans la construction d’un groupe, certains rôles permettent de prendre de la place et certains des acteurs peuvent développer un sentiment d’euphorie et de toute-puissance. C’est souvent là où ça devient dangereux. Si le groupe ne s’autorégule pas, il peut y avoir des débordements, des boucs émissaires qui vont s’en prendre plein la gueule et des personnes qui vont prendre le pouvoir de façon démesurée. Ça devient difficile d’être humble quand on sait que tout le monde a peur de notre réaction.
 
Je pense – et je sais –  qu’on a été une gang à nager tranquillement entre deux eaux : la peur de se faire ramasser et celle de savoir que si on ne performe pas notre participation, on sera la prochaine victime. Pis se sortir d’un climat de peur, c’est vraiment difficile.
 
Il reste quoi, après ça? Apprendre à se reconstruire, essayer de prendre des décisions pour aller mieux. Couper des ponts. Réaliser qu’on a fait du tort. Essayer de se pardonner de n’avoir rien fait. Essayer de ne plus être stressée de faire des erreurs.
 
Pis tout ça, ce n’est vraiment pas facile.

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