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Quand des antécédents dépressifs ferment des portes
Crédit: Rajeev Mog Chowdhary/Pexels

On a beau être en 2018, il nous reste encore beaucoup de chemin à faire quant à la stigmatisation des maladies mentales et de la médication. On ne compte plus le nombre de fois où nous en avons parlé sur ce blogue , ici, ici et ici aussi. Je suis tombée cette semaine sur un article qui m’a fait sortir de mes gonds et du même coup rappelé ma propre petite histoire. En gros, une jeune fille s’est fait refuser l’accès à un programme d’échange en raison de sa transparence sur son épisode dépressif de l'année précédente. Du haut de ses 17 ans, cette jeune est selon moi un modèle de maturité! Elle a fait ce qu’on souhaite qu’un.e adolescent.e dans la même situation fasse, c’est-à-dire demander de l’aide pour s’en sortir, se rétablir et aller de l’avant. Au lieu de valoriser ce comportement, on la pénalise…

Je comprends particulièrement cette situation puisque j’ai moi-même fait une dépression en 2013 et me suis retrouvée face à une situation semblable. Âgée de 25 ans à l’époque, j’ai plutôt choisi de mentir quand je me suis inscrite au programme Québec Sans Frontières quelques mois après ma dépression.
J’ai été extrêmement angoissée quand j’ai dû demander à mon médecin un formulaire attestant que ma santé physique et psychologique me permettait de participer au projet au point de ne pas en dormir pendant des nuits. J’avais peur qu’il refuse et surtout qu’on me ferme l’accès à un projet en raison de mes antidépresseurs. Pourtant, comme la jeune fille de l’article, j’allais beaucoup mieux et ce projet était un défi motivant pour moi après un enfer noir. Je me voyais enfin capable de repousser mes limites. Heureusement, mon médecin n’a pas bronché et m’a donné son autorisation. J’ai aussi sciemment menti en tremblant lors de mon entrevue individuelle quand on m’a demandé si ma santé psychologique allait bien. (En fait, je n’ai pas menti totalement puisque j’allais effectivement beaucoup mieux à ce moment-là, même si je prenais toujours mes antidépresseurs.)

Par la suite, quand j’ai été acceptée et que j’ai eu plus confiance en mon groupe et l’organisme avec lequel je faisais le projet, j’ai vidé mon sac. J'ai parlé de ma dépression et mes médicaments. L’organisme et la gang sur lesquels je suis tombée sont exceptionnels. Mais je sais parfaitement que j’aurais possiblement dû mentir encore longtemps si j’étais tombée sur un autre groupe ou organisme, voire garder mon secret pendant ledit stage. C’est très discriminant et désolant.

Je comprends que les responsabilités pour des organisations internationales ou des programmes d'échange sont grandes. On tente d’aller apporter quelque chose aux gens d’une autre communauté et de faire vivre en même temps une expérience enrichissante aux jeunes. Vivre dans une autre culture, un autre pays est particulièrement fort comme expérience. Je comprends l’excuse qu’ils refusent de se retrouver dans des situations complexes où des volontaires ou stagiaires doivent rentrer pour motifs psychologiques… Mais il y a des gens qui vont bien, participent à ce genre d’expérience et doivent aussi rentrer. On ne peut pas savoir comment ça ira, ni comment on réagira sans y être. Je trouve que ça enlève beaucoup d’opportunités à des gens qui les méritent.

Sans ce voyage en 2015, ma vie actuelle serait complètement différente. Je me lève chaque jour en me pinçant car cette expérience a véritablement changé ma vie. Je me suis souvent auto flagellée pour avoir menti pendant mon entrevue de stage. Par contre, à la lecture de cet article cette semaine, je ne peux que me dire que j’ai eu raison de manquer de courage. C’est désolant de voir qu’en 2018, la majorité de ces organisations prônant le développement de la jeunesse préfère valoriser les parcours lisses et sans accroc. Ça envoie un message très contradictoire et surtout, ça place notre beau pays dans la catégorie double standard…

Ah! Au fait, j’ai fait mon stage après avoir fait une dépression en prenant des antidépresseurs et tout a très bien été, si vous voulez savoir!
 

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