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Rencontre inspirante d’une Montréalaise inspirée : entrevue avec Rose Lyndsay Daudier
Crédit: Manoucheka LaChérie

Lyndsay, qui es-tu?
J’ai l’habitude de dire que je me considère comme une dot connector. Je suis une femme qui aspire à vivre dans une société où tout le monde travaille au bien-être collectif, où tout le monde comprend que la réussite, ça passe par l’entraide et la jeunesse.

Ton parcours professionnel?
Je suis diplômée en urbanisme, en droit et en gestion de projet. J’ai débuté ma carrière à la chaire de recherche UNESCO de l’Université de Montréal pour améliorer le cadre de vie des populations locales d’ici et d’ailleurs. Ensuite, j’ai travaillé près de deux ans comme conseillère politique pour le ministre de la Culture et des Communications. Après le gouvernement, j’ai eu besoin de temps pour moi, alors je suis partie faire de la plongée au Panama et au Honduras. En rentrant à Montréal, j’ai décidé de travailler en innovation sociale, afin de tout faire pour rassembler des personnes différentes et trouver le moyen de mettre leurs meilleures forces ensemble, pour maximiser l’impact dans les communautés. Dans le cadre du 375e anniversaire de Montréal, j’ai eu la chance d’être à la tête d’une opération d’écoute des jeunes pour répondre à la politique de l’enfant de Montréal, qui est d’ailleurs une des seules grandes villes d’Amérique du Nord à avoir ce genre de politique. Les jeunes étaient encouragés à expliquer ce qu’ils souhaitaient pour l’avenir de Montréal, ce qu’ils aimaient ou pas, etc. Nous avons récolté les témoignages de plus de 300 enfants de tous les quartiers. C’était fabuleux. Désormais, je suis directrice générale de Fusion Jeunesse et Robotique FIRST Québec, des organismes qui œuvrent en persévérance scolaire. Nous accompagnons 16 000 jeunes par semaine dans 250 écoles!

Peux-tu nous parler plus précisément de ton engagement?
Je suis née avec une jumelle qui avait des besoins particuliers. Très tôt, j’ai appris que nous n’avons pas tous les mêmes besoins. J’œuvre pour que notre société n’impose pas un système à tous et à toutes, mais développe différents écosystèmes, qui conviennent à chacun et chacune. Je m’implique dans différentes causes pour trouver cet équilibre : je participe au CA de la fondation KANPE, au CA de Culture Montréal, au CA du théâtre Les 2 mondes, je suis présidente du CA de la Pépinière, espace collectif, je fais de la levée de fond pour le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui et je suis membre du Conseil des Montréalaises.

Oh wow, c’est beaucoup non?
Disons que tant qu’à m’asseoir autour de la table le soir avec mes copines et parler de tout ce qu’il faudrait changer dans le monde, je préfère quand même m’impliquer et faire une différence. Je crois que quand on a la chance d’avoir une voix qui porte, c’est bien de le faire.

Es-tu féministe?
Oh oui! J’ai des racines haïtiennes et il y a un proverbe haïtien qui dit : li pran nan chandel qui signifie que tu es conçu par tes parents, mais que ton caractère, tu le prends de ta marraine ou ton parrain lorsqu’elle ou il tient la chandelle sur ta tête lors de ton baptême. Ma marraine, c’était ma grand-mère maternelle.

Ma grand-mère était une grande féministe : elle portait des pantalons, elle avait son propre commerce et elle a eu seulement 2 enfants, sans se marier avec mon grand-père. J’étais très proche d’elle. Elle est venue aider ma mère à la maison quand ma sœur jumelle et moi sommes nées. Elle m’accompagnait à l’école, me donnait des clés face aux propos racistes. Elle m’a beaucoup inspirée.

As-tu beaucoup été confrontée au racisme?  
Disons que j’ai grandi sur la Rive Sud et tout le monde était vraiment blanc autour de moi. En maternelle, quand on parlait de peau, cela voulait dire couleur pêche. Quand j’allais chez mes cousins à Montréal Nord, là tout le monde était noir. En fait, je dirais que j’ai dû apprendre plus vite que d’autres qu’il y a des différences culturelles. La langue par exemple : le gruau au déjeuner, c’est très étrange pour une petite fille aux racines haïtiennes. Dans ma tête, ça sonnait grillot qui est un met typique haïtien qui s’adonne à être du porc frit… Mais c’était vrai aussi parce que mon grand-père était français : le gruau du « déjeuner » était en fait pris au petit-déjeuner pour moi… très tôt j’ai compris que le déjeuner en France, c’est sur l’heure du lunch. Aujourd’hui, j’ai l’impression que les choses changent. Petite, je parlais de peau noire, mes neveux eux, disent qu’on est bruns.

Il est intéressant aujourd’hui de constater que le monde des affaires se développe, un chemin a été tracé pour les femmes et pour les noirs, mais j’ai aussi l’impression que c’est toujours à recommencer, que nous ne sommes pas encore au bout de ce chemin. Et c’est une tendance humaine : nous prenons facilement les choses pour acquises. Quand les gens ne connaissent pas, à la rigueur, tu peux comprendre que l’inconnu fait peur, mais aujourd’hui, alors qu’on a la connaissance, qu’on sait que nous sommes tous faits de la même façon, pourquoi le racisme persiste toujours? La médecine nous a bien démontré aujourd’hui qu’à l’intérieur, on est pareillement constitué.

Et je reviens au féminisme parce que je crois que les femmes ont une grande responsabilité qui pèse sur leurs épaules, notamment avec toute la charge mentale qui vient directement avec le fait d’être une femme (les menstruations, les grossesses, les cheveux, etc.). J’essaye de détourner ça en positif, comme si ça nous donnait une responsabilité supplémentaire pour militer, pour prendre action. Plein d’hommes ne se rendent absolument pas compte qu’ils ont une meilleure place en société juste parce qu’ils sont nés… homme (le salaire, la notoriété, moins de soucis sur les soins corporels : la liste est longue…). Il y a un tel enjeu d’éducation. Il faut que, collectivement, nous nous demandions, en tant que femmes, comment éduquer nos enfants. Plutôt que de dire à nos filles de ne pas sortir avec une mini-jupe, ne serait-il pas préférable de dire à nos garçons qu’il est inacceptable de mal parler à une fille et qu’il est absolument indispensable de toujours attendre le consentement de l’autre? Une grande part du monde tel qu’il est, appartient à que ce les adultes renvoient…

Que souhaites-tu à Montréal ?
Je souhaite à Montréal que les gens soient plus conscients de la répercussion de leurs actes, en positif ou en négatif. Et quand c’est positif, que nous propagions cela le plus possible autour de nous.  Nous avons la chance de vivre dans une société où cela est possible!

Tes rêves les plus fous ou tes envies toutes simples pour l’avenir?
Mon rêve le plus fou : de mon vivant, pouvoir sentir la vraie équité, à tous les niveaux, que tout le monde dispose des mêmes chances dans la société, peu importe son genre ou sa culture…

Le mot de la fin?
Continuons à développer les compétences clés chez nos jeunes afin qu’ils soient plus attentif.ve.s aux différentes réalités et qu’ils travaillent toujours vers l’atteinte de l’équité.

 

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