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J’ai les dents croches et (aujourd’hui) je l’assume
Crédit: Stéphanie Côté

En secondaire deux, un gars dans ma classe m'a dit que j'avais beaucoup de poil sur les bras. De façon très délicate bien sur : « Hééé! T'as ben du poil sur les bras! » Et moi de regarder mes bras, auxquels je n'avais jamais porté attention, pour remarquer que voyons, c'était vrai, j'avais plus de poils sur les bras que les autres autour de moi. Misère! Je crois que c'est à ce moment qu'est né mon premier complexe : ma pilosité.

Or j'ai été chanceuse, j'ai rationalisé le tout assez rapidement avec mon petit cerveau mature de fille de 14 ans. Bon. J'ai du poil sur les bras, est-ce un drame? Est-ce irréversible? J'ai vu des filles teindre leurs poils de bras, d'autres les épiler parce qu'elles étaient gênées de leur pilosité. Moi j'ai décidé de vivre avec. Voilà. J'ai du poil sur les bras, ben oui, mais tout le monde en a. J'ai eu la chance de ne pas trop souffrir de complexes durant mon adolescence, toutefois une chose m'empêchait de me trouver belle à 100 % : mes dents.

À l'ère des broches et des belles dents droites, ce n'était certainement pas évident d'apprendre à vivre avec ces dents trop grosses et décalées. J'ai été suivie de près par ma dentiste depuis mon enfance, endurée plusieurs extractions pour laisser de la place à mes dents d'adultes clairement trop grosses pour l'espace qu'il y avait. Évidemment, tout le monde avait des broches, c'est clair qu'on m'a proposé plus qu'une fois de régler ce vilain problème une fois pour toutes!

Comme pour tous mes complexes, je me suis longuement questionné par rapport à ça. Est-ce que c'est irréversible? Bien sûr que non. Une petite virée chez l'orthodontiste et quelques milliers de dollars m'aurait apporté de belles dents droites comme tout le monde. Mis à part le fait qu'on n'en avait probablement pas les moyens, le plus gros challenge selon moi c'était d'apprendre à vivre avec.

Sur plusieurs photos datant de mon adolescence, dans le temps qu'on n'appelait pas encore les autoportraits des selfies, je souris constamment avec la bouche fermée. Ce n'est que dans les dernières années que j'ai découvert que j'aimais beaucoup plus voir une image de moi avec un vrai sourire, avec mes dents, même si celles-ci ne représentent pas ce qu'on voit au cinéma.

J'ai compris que ça ne me servait à rien de cacher ma joie pour qu'on ne voie pas ce complexe qui m'a longtemps hantée. Pourquoi ne pas apprendre à embrasser cette imperfection dans mon visage, comme toutes les autres qui m'ont été données et pour lesquelles je n'ai pas de solution? Pourquoi offrir sans cesse aux gens de faire corriger des dents qui ne sont pas droites si celles-ci ne causent aucun problème sauf esthétique? Encore récemment, en voyant un nouveau dentiste, je me suis fait dire que j'aurais eu intérêt à porter des broches. Pour quelle raison? Incapable de m'en donner une. Ah, merci! Évidemment, je ne parle pas de ceux qui ont un réel problème ou pour qui cela représente un réel fardeau.

Nous encourageons sans cesse les gens à vivre dans l'acceptation de soi, d'apprendre à vivre avec son poids, sa physionomie. J'ai décidé d'encourager les gens à vivre avec leurs dents croches. De ne jamais s'empêcher de sourire sur des photos de peur qu'on les voie. Montrez-les vos dents! Ce n'est pas de votre dentition que les gens se souviendront, mais bien du bonheur que vous leur aurez apporté en souriant.

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