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Être célibataire à l’heure de la séduction 2.0
Crédit: Unsplash

Séduire. L’affaire de toute une vie, continuellement, et pour tout. Il me semble qu’en y réfléchissant bien, toutes nos actions nous mènent quotidiennement à séduire, pour obtenir. Séduire son employeur, séduire son banquier, séduire ses amis, séduire son vendeur d’autos. Séduire celui ou celle que l’on voudrait côtoyer une nuit, une vie…

J’ai 32 ans, toutes mes dents, et je suis célibataire. Pas spécialement par choix, mais plutôt parce que la vie me l’a imposé. J’ai longtemps été en relation avec celle que j’imaginais voir vieillir à mes côtés, mais que j’appelle aujourd’hui mon ex. Je l’ai séduite pendant plus de 11 ans, jusqu’à ce que nos chemins se séparent, car l’alchimie s’était dissipée et que l’attrait pour un autre soit irrésistible.

Imagine-toi qu’à l’instant où elle me dit que c’est terminé, la décennie qui vient de s’écouler dans un bonheur intense et vrai, me fouette le visage avant de s’écrouler comme un château de cartes.

Mon cœur est dans la boîte à gants, mais la vie ne s’arrête pas là. À l’heure de la séduction 2.0, je télécharge deux trois applis complètement nouvelles pour moi. Choisis quelques photos… merde, je n’en ai pas tellement qui me ressemblent, mais qui me mettent en valeur… ok, ben je vais prendre un selfie… au bout de 14, je me satisfais de la dernière, par dépit. Une autre ou je fais du sport, une autre avec des amis, c’est bon, la panoplie est complète. La description maintenant. Le néant. Je veux quoi? Je cherche quoi? Je ne cherche rien en fait… Je veux juste passer du bon temps, ne pas me poser de questions, pour le moment. Leur dire que je cherche l’amour me semble absolument ridicule, leur dire que je ne veux que du cul, c’est leur mentir aussi. Je reste simple, et leur dit que je cherche du bon temps à partager, et que je laisse le feeling faire. On verra bien.

Puis les premiers matchs, les premières conversations, et les mêmes questions qui reviennent. Je dévoile alors mon passé, sans trop m’étaler, pour ne pas effrayer, ne pas être étiqueté « homme brisé », et séduire sans a priori. Elles me demandent ce que je cherche sur cette application… cette question m’horripile! Lis ma description, elle résume pas mal mon mindset… Je reste agréable, je veux séduire. Et j’en ai besoin, finalement, les premières dates, avec le palpitant qui tambourine dans la poitrine! Tiens, il se réveille celui-là! Sensiblement le même scénario à chaque fois. Je l’attends devant le restau et espère qu’elle est fidèle à ses photos pour la reconnaître!! Quelquefois oui, quelquefois non, oups. Pas grave, la soirée sera agréable quand même.

Puis pour celle avec qui la connexion passe bien, on se revoit, on s’expérimente, se jauge, s’apprivoise, se juge parfois, voire souvent. Ça fonctionne deux semaines, puis s’essouffle, car il n’y a pas des papillons dans le ventre, pas d’étincelles, et je me lasse. Je lui explique, elle ne le comprend pas. Elle tente de me convaincre que je ne retrouverais pas le coup de foudre autrefois vécu, et que ça ne se passe pas comme ça la plupart du temps. Je lui donne en partie raison, mais je veux y croire encore. Malgré tout, je ne lutterais pas contre mon ressenti, et ne forcerais pas mes traits. Je stoppe là.

Et le schéma se répète, des dizaines de fois. J’ajuste mon discours, précise mes feelings, clarifie mon ressenti pour chaque début de relation qui naît et qui meurt aussi sec. Je rencontre différents profils de filles, que je n’aurais sûrement pas rencontrés dans un bar, ou en allant faire mon épicerie, et que je n’aurais probablement pas abordés en face à face. Il faut avouer que pour cet aspect, les applis sont réellement une opportunité de varier les profils, et c’est plutôt cool. Je m’amuse un temps, retourne dans l’adolescence parfois..

Finalement, plus d’une année et demie à avoir dater et surfer sur ce concept, j’ai désinstallé mes applis, lassé de n’aboutir à rien de concret. Après avoir fréquenté des Québécoises, des Françaises, Cambodgiennes, Roumaines, comptables, représentantes RH, hôtesses de l’air, Escort girl et j’en passe, je n’ai jamais réussi à trouver un semblant d’équilibre dans mes fréquentations.

Pourquoi? Depuis le temps que je cogite là-dessus, mon analyse (et surtout aussi en fonction de mon bagage personnel) reste que ce concept de séduction n’est basé que sur la superficialité, et ne laisse pas la place à la profondeur de nos êtres. Pas parce que tous ceux qui se retrouvent sur ces applis sont complètement dégénérés et ne sont pas capables de se conduire convenablement en relation, mais tout simplement parce que l’on ne peut pas baser une relation stable, simple et solide à partir d’un « catalogue » où l’on choisit un « produit » qui nous donne envie, par son exotisme, par son emballage, ou parce qu’il ou elle représente son envie du moment. Une fois consommé, il suffit du moindre défaut de fabrication du produit par rapport à notre référentiel personnel pour qu’on le jette, et qu’on en prenne un autre.

Il est évident que ce n’est pas dans ce processus que l’on va pouvoir expérimenter l’autre dans tout son être, on ne lui en laissera pas le temps. On se précipite et on force les choses. Rajoute à ce mode de consommation tous tes démons et les casseroles que tu traînes avec toi lorsque tu as un peu de vécu, et qui te conditionnent plus ou moins dans chacune de tes appréhensions de la relation avec l’autre. Tu auras compris que la place est mince pour trouver ta perle rare.

Je pense qu’en ce qui me concerne, j’ai fait le tour de la question. Ces expériences m’ont permis de panser mes plaies et de ramasser mon cœur, de rebooster mon ego et soigner mon sex appeal! Je vais dorénavant laisser la place au hasard et la providence… peut-être que je rencontrerais celle avec qui je finirais mes jours au coin d’une rue, dans une flaque de sloche, ou bien à la table juste derrière la mienne sur une terrasse d’été! Ça commencerait par un eye contact, puis deux, puis un sourire, puis un drink, puis…

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