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Le « après » dont personne ne parle
Crédit: Unsplash

15h58. 
Whistler.
Le son agressant de la ventilation du foyer. 
Sa monotonie et sa régularité. 
Moi qui m'énerve. 
Elle qui cesse, comme si elle avait lu dans mes pensées.
Soupir de soulagement, je peux maintenant me concentrer. 

Le silence m'accueille à bras ouverts, mais j'hésite : par quoi commencer? 
Soupir, encore, mais cette fois-ci de découragement. 

Bon, aller, je me lance. 

Nombreuses sont les personnes qui m'ont écrit pour me dire à quel point elles me trouvent chanceuse d'être à Whistler. On me dit d'en profiter au maximum et on s'attend à ce que je sois dehors, à skier, faire de la raquette, me promener et simplement profiter de la magnifique température. 

Bon, je dois admettre que tout cela a du sens, que c'est exactement ce que la majorité des gens font. Or, je suis ici pour une tout autre raison : ce voyage, c'est l'opportunité que mon père m'a donnée de changer d'air et d'essayer de me refaire un semblant de santé mentale. C'est un vent de fraîcheur avec lequel j'essaie d'aérer mon esprit sombre de sorte que les idées noires s'envolent et ne reviennent plus jamais.

C'est le « après » dont personne ne parle. 

Eh oui, même moi, qui sensibilise continuellement mon entourage à la maladie mentale et qui ai lu mille et un ouvrages sur les divers sujets que celle-ci englobe, je n'y étais pas préparée. En fait, je pense que personne ne l'est vraiment. 

Il y a 14 jours, je me suis réveillée avec le fil d'un soluté dans le bras, les lèvres et les dents complètement noires, couchée sur une civière au beau milieu d'un corridor d'hôpital. J'ai été confuse quelques secondes, puis je me suis souvenue : j'ai fait une tentative de suicide. 

Depuis, j'ai probablement vécu toutes les émotions que l'humain a la capacité de vivre, puis même maintenant, deux semaines après l'événement, je ne sais pas trop ce que je ressens : joie, soulagement, déception, tristesse? Je ne saurais dire. 

Ce que je sais, par contre, c'est que j'ai cette impression d'être « imposteure » dans ma propre vie, comme si j'étais l'actrice principale d'un scénario qui n'avait pas été écrit, le personnage clef d'un récit où l'on avait déjà écrit « fin » en lettres majuscules. 

Je marche, incertaine, et sous mes pas, l'encre coule discrètement.
L'histoire se poursuit ; la vie continue. 
16h22. 
Encore, toujours, ce sentiment étrange qu'est celui de respirer et d'être en vie. 
Dehors, les arbres qui s'agitent frénétiquement au rythme du vent. 
Puis la ventilation du foyer qui reprend. 
La vie continue.

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