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La conversation difficile qu’on doit tou.te.s avoir après les déclarations d’abus de Michael Jackson
Crédit: Cover images

TW : texte contient des détails de nature explicite et peuvent choquer. 

Salut, je m’appelle Josiane Stratis et j’ai vécu une enfance marquée par la violence physique et psychologique d’un membre de ma famille. J’ai pris conscience des faits et de tout ce que j’avais tassé dans ma tête lorsque j’étais enceinte de mon enfant, à 26 ans. Avant ça, je minimisais mon vécu de violence parce que c’était la seule façon pour moi de survivre.

J’ai eu mes premières pensées suicidaires à 8 ans. Au primaire, j’allais à l’hôpital une fois par mois pour maux de ventre intense. J’ai fait du pica, de la restriction alimentaire. Je me suis automédicamenté avec tout ce que j’ai pu avant de me rendre compte que j’avais peut-être un problème. En fait finalement, à part un TDAH avec haut potentiel, mon seul problème aura été de vivre de la violence à une période où ce que tes parents sont supposés t’apporter, c’est du soutien pour te développer.

J'ai vu le documentaire « Leaving Neverland » et j'ai été bouleversée par le témoignage des présumées victimes. Bien sûr, la famille nie les faits et profite du fait que la poursuite des deux hommes contre les héritiers de Michael Jackson a été rejetée en raison des délais de prescription. Grâce à cette faille du système, il n'y aura sûrement pas de suite. 
Mais voilà, je me suis mise à la place de ces deux hommes. 

Si c'était vrai? 

Ça vous fait de la peine d’apprendre que Michael Jackson est un présumé pédophile? Ça vous surprend peut-être? Vous tombez des nues? Imaginez deux secondes ce que ça fait de vivre ça quand vous avez 7 ans ou 10 ans. Quand vous admirez du plus profond de votre âme une personne et qu’elle décide de poser l’acte horrible d’agresser sexuellement un enfant. Quand on vous demande de vous masturber et que votre corps ne peut même pas produire d’éjaculation parce que vous êtes trop petit.

Ça fait de la peine de ne pas pouvoir dissocier un génie de la musique de son oeuvre? Imaginez deux secondes que vous avez eu des attouchements sexuels toute votre enfance et que finalement, quand vous osez parler, on vous dit que vous chercher les millions d’une personne décédée. Imaginez que chaque fois que vous osez dire du bout des lèvres votre histoire, on vous demande de la dire encore moins fort parce que ça dérange. Imaginez-vous entendre sa musique parce que des gens trouvent ça bon. Parce qu’il ne faudrait pas toucher à leur souvenir d’enfance. Parce qu’eux l’aiment.

Arrêter de diffuser sa musique, c’est arrêter de donner du pouvoir à un présumé agresseur. C’est de contrer l’image qu’une personne connue ou riche peut se permettre des gestes horribles sur des enfants, des femmes, des minorités. Il faut que ça cesse. Il faut arrêter de donner du pouvoir à des agresseurs. Les gens ont maintenant le choix de consommer là où leurs valeurs sont respectées. Pour ma part, je n’irai pas voir un film fait par un agresseur notoire, je ne vais pas consommer ce qu’il fait.

Dans les dernières années, plusieurs grands acteurs, réalisateurs, chanteurs et name it nous ont déçus par leur comportement et ont commencé à voir les conséquences de leurs actes. Mais le système de justice reste déficient sur certains aspects des agressions sexuelles et de la violence faites aux femmes et aux enfants. On a encore de la difficulté à comprendre pourquoi une personne victime de violence durant toute son enfance décide de plus parler à ses parents. Mais quand on voit qu’on braque plus facilement des trucs comme la présomption d’innocence que des moyens pour défendre les plus vulnérables, j’ai de la misère à savoir par où commencer.

Dans le doute, je suis incapable de séparer une personne de son oeuvre, et de me dire : « J’aime trop la musique d’une personne qui a sûrement sucé un enfant de 7 ans pour arrêter de l’écouter. » Ok il y a eu prescription, mais la possibilité que les accusations soient vraies m'empêchent de continuer à écouter le chanteur, comme si de rien n'était.

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