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L’annulation des dossiers d’immigration vue de l’intérieur
Crédit: Photo Pexels/Steve Johnson

NDLR : J'écris anonymement pour ne pas nuire à mon entourage qui est dans un processus d'immigration.

Le projet de loi de l’actuel gouvernement est au cœur de bien des débats ces jours-ci. D’un côté, on estime que l’abandon de tant de dossiers est injuste et de l’autre, on peut lire des commentaires ultras racistes qui réclament que les immigrants se frappent à des portes closes, que ces derniers ne viennent que profiter de ce que nos taxes et impôts nous ont permis d’obtenir avec beaucoup de peine…

De mon côté, je me retrouve justement au centre du débat parce qu’une personne de mon entourage est en plein processus d’immigration. Un processus qui lui semblait plus simple de l’extérieur, quand on lui parlait du Québec comme d’un El Dorado de l’emploi et de l’accueil… Au bout du compte, l’immigrant en question qui s’était malgré tout bien préparé pendant des mois est encore en attente pour seulement l’envoi de ses premiers documents. Et il sait que sa démarche pourrait bien attendre et prendre des mois, voire des années avant d’être acceptée, après que celle-ci lui ait coûté beaucoup d’argent, au-delà de 6 000 $.

Je ne sais pas ce que ça représente pour vous, mais pour moi, 6 000 $ c’est quelque chose que je n’ai pas dans mon compte en banque… C’est plus que la valeur de ma voiture et plus que le tiers de mon salaire annuel clair. Pour un immigrant qui vient d’un pays souvent en développement ou en tout cas moins développé que le Canada, ça représente encore plus d’argent.

En plus de l’argent investi, ajoutons les démarches et l’incertitude. Remplir une demande d’immigration comprend un nombre assez impressionnant de formulaires à remplir et fournir. Une demande de résidence permanente, un formulaire générique, des certificats scolaires et antécédents pénaux du pays d’origine traduits en français ou en anglais à grands coûts, des empreintes et une enquête d’antécédents canadiens, un certificat de sélection du Québec, un permis de travail, un examen médical effectué seulement à Québec et Montréal en clinique privée, les antécédents de tous les membres de la famille de l’immigrant, etc.

C’est à mon sens normal qu’on exige ces documents. Par contre, ça l’est un peu moins qu’on s’attende à ce que l’immigrant puisse tout réaliser sans l’aide d’un agent d’immigration. Cela engendre évidemment d’autres coûts… Autour de 2 500 $ pour la personne de mon entourage. (La personne que je connais souhaite immigrer seule, mais imaginez quand on parle d'une famille de travailleurs avec des enfants…)

Je n’ai fait que vous énumérer les étapes et documents nécessaires, mais je vous ai épargné les délais entre la réception de chaque élément… On parle de plusieurs mois.

Quand une personne prend la décision de quitter son pays pour émigrer, elle sait que ça ne sera pas gratuit et que cela impliquera des démarches. Elle sait qu’elle sera dans l’incertitude jusqu’à ce qu’elle reçoive enfin sa résidence. Mais souvent, si elle souhaite quitter son pays, c’est qu’elle a de bonnes raisons de le faire. Donc, elle est prête à attendre et payer ce qu’on lui exige.

L’immigrant ne s’attend toutefois pas à ce qu’après avoir envoyé tous ces documents et payé un bon montant à diverses instances au Québec, au Canada, à son pays d’origine, aux traducteurs certifiés, au médecin, au service d’empreintes et à un médecin certifié; on lui annonce que son dossier est annulé. Les petits 1000 $ dans les six mois promis par le gouvernement sont une bien mince consolation et surtout un lourd poids qui s’abat sur les épaules de la personne qui a respecté tout ce qu’on lui demandait, dans les moindres détails.

Avez-vous le moyen, vous, après avoir payé 6 000 $, d’attendre un remboursement de 1 000 $ d’ici six mois? Autrement dit, de perdre 5 000 $? Moi, non. L’immigrant encore moins.

Les régions éloignées sont en grande pénurie de main-d’œuvre. Je me trouve dans l’une d’elles et les affiches d’offre d’emploi placardent les façades des commerces. Certains réduisent leurs heures devant le manque de personnel. Dans les écoles de ma région, on recherche des professeurs qui n’ont pas de brevet d’enseignement, seulement des connaissances dans la matière à enseigner, parce qu’il n’y a plus personne. On offre des formations de préposé aux bénéficiaires à ceux qui postulent sans formation. Ce ne sont là que quelques exemples, mais je me demande si nous avons vraiment le moyen de nous passer de la main-d’œuvre étrangère.

Je me demande aussi jusqu’où ira l’actuel gouvernement dans son entêtement. Parce que pour moi, ça ne fait pas de sens.

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