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« Omg, t’es vieille »

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« Omg, t’es vieille »
Crédit: Unsplash

L’autre jour, je suis dans un bar, un jeudi, dans lequel j’avais jamais mis les pieds pour deux raisons : 1. Je suis mère et aller dans un bar la semaine, je suis pas assez yolo pour ça quand mon enfant est à la maison. 2. Sortir la semaine quand je vais dans des évènements presque tout le temps, c’est beaucoup je trouve.
 
Je parlais avec un ami de longue date et il m’a demandé mon âge. J’ai répondu que j’avais 32 ans avec ma joke habituellement de ma belle peau qui est une fierté parce que je passe beaucoup de temps à m’en occuper et que je suis consciente de mon privilège aussi. En tout cas, en disant mes 32 ans et bientôt 33, cette personne m’a répondu que j’étais vieille.
 
Sur le coup, j’étais quand même fâchée de me faire traiter de vieille à 32 ans. J’ai passé ma vingtaine à me faire dire que j’étais trop jeune – et par le fait même moins intelligente, pertinente et toute le kit – alors rendue à la trentaine, je m’attendais à ce qu’on me dise enfin bravo pour mes nombreux accomplissements. Pas que la seule fenêtre de validité et de pertinence de ma vie soit passée en coup de vent de 30 ans à 32 ans. Pouf bye, fait place aux jeunes. Je suis comme un avocat (le fruit), je passe date en deux secondes.
 
Évidemment, la boisson n’aidant pas, j’étais très émotive de m’être fait dire ça.  On m’a demandé pourquoi je trouvais ça grave. Mis à part le fait que, comme je le disais, j’ai eu une fenêtre de pertinence de 2 ans pis après je suis tombée trop vieille. C’est quand même facile de voir qu’on conditionne les femmes à avoir l’air le plus jeune possible (et j’en suis coupable avec toutes les crèmes que je mets en espérant avoir la peau la plus belle le plus longtemps possible). C’est aussi facile de comprendre qu’on ne montre pas aux femmes qu’elles sont pertinentes avant de leur montrer à être pétillante.
 
Je vous apprends absolument rien.
 
Je pense que ce qui me fâche vraiment en fait, dans ce genre de commentaire, c’est de comprendre, je crois, que je ne gagnerais jamais au jeu d’être une femme. Je gagnerais jamais cette bataille-là, je la fais parce que les plus jeunes vont avoir les bénéfices de la lutte féministe, mais pas moi.
 
C’est assez facile de comprendre quand on est une femme et une fille que le monde n’est pas fait pour nous. Qu’on nous laisse des miettes de place pour être ben fin, mais que les structures mises en place font en sorte que cette place-là, on nous la prête, on nous la donne surtout pas, et qu’elle est glissante cette place-là.
 
C’est fatigant.
 
C’est fatigant, mais on est habituée d’être fatiguée, parce qu’on doit travailler encore plus fort pour avoir la même chose. C’est correct parce qu’au final, comme on gagnera jamais, on aura toujours des nouvelles façons et des stratégies pour en avoir, de la place. On la prend déjà tellement plus partout, notre place, à la maison en s’occupant de structurer la vie familiale, à l’université, dans les entreprises en ayant des postes clés, en prouvant qu’on est encore plus intelligente que d’autres pourraient le croire.
 
Et comme chaque jour, on vieillit – et qu’on est un jour vieille -, on se rend compte de tout ce qu’on est capable de faire avec plus de travail que les autres. On est capable de prendre conscience qu’on met plus d’efforts pour réussir. Pis comme on est habituées de care pour les autres, on peut se dire que ouais, on n’aura pas tous les bénéfices de notre lutte maintenant, mais au moins ce sera vachement mieux pour les filles qui nous succèdent.
 
Fait que oui, je suis vieille. So what?

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