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Entrevue avec Xina : pour mieux comprendre ce que c’est d’être un.e autochtone en 2019
Crédit: Xina Cowan/Bijou de l'artiste Kaylyn Baker (Tutchone du Nord et Tlingit)

Je voulais interviewer Xina parce qu’elle me fascine. Mon amie s’implique auprès des communautés autochtones avec énormément d’amour et je voulais vous le partager.

Je trouve inacceptable d’en connaître aussi peu de celles et ceux qui, on se rappelle, sont les Premières Nations. Je trouve déplorable que l’on soit trop souvent ignorants de cet univers aussi riche culturellement. J’ai envie d’entendre de nouvelles voix.

1. Xina, qui es-tu?

Je suis Xina Cowan, j’ai 29 ans et j’ai vécu à Montréal toute ma vie. Je suis d’origine mohawk, irlandaise et écossaise. Je fais partie du Bear Clan, du côté de ma maman d’origine mohawk et écossaise. Bientôt, je quitterai la grande ville pour aller rejoindre Sarah, l’amour de ma vie, à Yellowknife.
 
2. Peux-tu nous parler de ton travail?

Depuis quelques années, je travaille pour Fusion Jeunesse dans les communautés autochtones du Québec et de l'Ontario. Fusion Jeunesse est un organisme à but non lucratif qui a pour mission de lutter contre le décrochage scolaire, de développer l’estime de soi des jeunes et l’employabilité.

 Je sens mes racines autochtones très fort et j’ai besoin de m’impliquer.

3. Qu’est-ce qui te passionne?

En plus du travail en éducation, ce qui me tient énormément à coeur sont les projets d’art et de mode contemporains dans les communautés.

Nous sommes dans une ère de l’histoire qui est vraiment intéressante. Ma génération est la première qui ne soit pas allée dans les pensionnats autochtones. Je vois beaucoup de beauté et de plus en plus de guérison dans les communautés. C’est une période où les jeunes réclament leurs droits, leurs voix, leur identité.

Je vois beaucoup de cette énergie dans l’art et la mode autochtone. La mode est aujourd’hui un vecteur incroyable d’expression politique. Les designers l’utilisent pour envoyer des messages, pour sensibiliser, pour éveiller les consciences et pour se guérir de l’histoire de colonisation.

4. Comment sont les jeunes dans les communautés autochtones d'aujourd’hui?

Les jeunes ont soif d’opportunités et d’apprentissages. Ils veulent pratiquer leur leadership sur des projets qui sont vraiment engageants et valides à long terme. Le réel enjeu vient des institutions parce qu’elles ne sont pas adaptées à leurs traditions et mode de vie. Le gouvernement croit qu’un curriculum identique pour tous est ce qu’il nous faut. Pourtant, one size does not fit all. Il faut que le gouvernement écoute les jeunes.

Cela dit, de plus en plus de choses s’améliorent. Les communautés prennent de l’autonomie sur l’éducation de leurs jeunes et les professeurs sont de plus en plus sensibilisés. Néanmoins, il faut plus d’enseignant.e.s autochtones. La grande majorité des professeur.e.s sont blanc.he.s. Les blanc.he.s s'impliquent dans les communautés pour régler les problèmes, mais ce n’est pas comme ça que ça fonctionne. C’est correct qu’il y en ait, mais on souhaite plus de représentativité.

5. Qu’est-ce que c’est que d’être un.e autochtone ici en 2019?

Être autochtone en 2019, c’est beaucoup de choses. Justement, il y a un stéréotype qu’on veut briser; il n’y a pas seulement un type d’autochtone. Chaque nation a une identité propre, ses traditions et sa culture. Ensuite, l’histoire avec le Canada a amené chaque individu à des relations identitaires bien différentes. Certaines personnes vivent dans leur communauté toute leur vie, parlent la langue, respectent leurs traditions. D'autres sont moins en relation avec leurs racines.

Une chose certaine est que le trauma de la colonisation est bien réel, notamment avec les pensionnats ou les Sixties Scoop. Il y a eu une grande perte de confiance dans le gouvernement et ses institutions. Les blessures sont très vives encore. La pauvreté, la violence et les problèmes de consommation sont tangibles. Le partage et la réconciliation sont essentiels; cela dit, les communautés ont aussi besoin de guérir d’un lourd passé. On doit se retrouver, redéfinir notre identité.

Je reste optimiste quant au futur. Je sens que ma génération veut prendre son avenir en main et qu’elle a besoin d’être maître de sa destinée. Les communautés ne sont pas des marionnettes. Les gens travaillent forts; pas seulement pour avoir un espace à la table, mais pour créer leur propre table également.

6. Est-ce que la diversité et l’inclusion sont réelles? Y a-t-il du racisme dans la société québécoise?

Effectivement, on entend beaucoup parler de diversité et d’inclusion et il y a du progrès. Cependant, cela doit faire office de restructurations profondes et non superficielles à la token Indian (s’applique à toutes les minorités).

Il y a du racisme au Québec. Du racisme dans les lois, les politiques, les décisions prises top down. On n'a qu’à penser à la terrible gestion du dossier des femmes disparues. Il faut plus d’inclusion (de la vraie), plus d’éducation, moins d’ignorance.

7. Xina, pour terminer la première partie de cette entrevue, qu’est-ce qu’on a à apprendre des communautés autochtones?

Deux choses essentielles :

  • La terre est notre Mère et nous devons prendre soin d’elle;
  • ​La générosité, le partage et la collaboration : ces qualités sont profondément ancrées dans les communautés. Elles contrebalancent l’égocentrisme et l’isolation qui existent dans la culture occidentale.
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