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L’Euguélionne: une délicieuse lecture d’émancipation
Crédit: Lindsey LaMont/Unsplash

Ah, cette lecture pour laquelle j’ai donc pris plaisir dans le dernier Nouveau Projet (dé-li-cieux périodique, soit dit en passant)! L’Euguélionne, c’est un bijou de la littérature féministe québécoise des années 70.

C’est un opuscule dénonçant brillamment le patriarcat. C’est aussi une librairie montréalaise nommée en son honneur. Puis, c’est l’histoire satirique d’une extraterrestre (l’Euguélionne) qui, cherchant une bonne planète, tombe de la nôtre. Un peu déçue par ce qu’elle voit, elle se pose bien des questions :

« Qui a décidé que vous deviez être soumises? Qui a décidé que vous deviez être dominées, subordonnées, obéissantes? Qui a décidé que c’était la nature qui voulait ça pour vous? »

Louky Bersianik, l’autrice du livre, choisit des exemples flagrants de sexisme dans la langue française, et on prend un malin plaisir (ou déplaisir) à réaliser à quel point notre langue est unfair. Et à quel point elle joue sur l’imaginaire collectif; avez-vous déjà réalisé qu’il n’y a pas de masculin pour le mot ménagère? Ou qu’il n’y a pas de féminin pour le mot médecin? Voici selon moi les passages les plus marquants parmi ceux déjà relevés par Nouveau Projet :

« Pourquoi apprend-on aux enfants à l’école que le Masculin l’emporte sur le féminin? »

« Pourquoi dit-on dans les dictionnaires au mot HOMME qu’il est considéré « spécialement »  comme possédant les qualités de courage, de hardiesse, de droiture, « propres à son sexe »? »

« […] Ou au sujet des règlements ludiques qui veulent que ce soit toujours le roi qui l’emporte sur la reine ou sur la dame? »

« Pourquoi tous les Hommes sur la terre acceptent-ils comme allant de soi que votre espèce soit mâle? Et pourquoi y a-t-il encore tant de femmes sur la terre qui acceptent cela comme allant de soi? »

« Trois-cents femmes et un petit chat se sont BALADÉS dans la rue. MÊME L’ANIMAL masculin L’EMPORTE SUR L’ÊTRE HUMAIN féminin. »

« Trois-cents femmes et un camion se sont BALADÉS dans la rue. MÊME UN OBJET INANIMÉ masculin L’EMPORTE SUR L’ÊTRE HUMAIN féminin. »

« SALOPE, dit un homme à un autre homme. (Le terme salaud est moins offensant.) »

« L’INJURE BLESSANTE LA PLUS COURANTE EST LE MOT : CON. Parce qu’il désigne le sexe féminin. »

« POURQUOI le mot SERVANT n’est-il qu’un adjectif et le mot SERVANTE est-il un substantif? »

« […] Que ce soit le nombre qui l’emporte, pas seulement le genre. »

« Dans l’union de deux jeunes époux, l’épouse est déjà subtilisée. »

Dans le recueil, l’Euguélionne explique que des manifestantes réclament, auprès de l’Académie française, des changements à notre langue. Bien qu’elle signe leur pétition, elle leur fait savoir qu’elle n’est pas tout à fait d’accord avec leur démarche :

« Pourquoi demander la permission à l’Académie française? Pourquoi supplier, solliciter, vous faire ridiculiser une fois de plus? Les membres de cette auguste assemblée sont impuissants totalement à changer un iota de cette syntaxe et de cette sémantique. Car les femmes qui composent ladite assemblée, passez-moi l’expression, sont rares comme de la merde de pape […] N’attendez plus de permission pour agir, parler et écrire comme vous l’entendez. Faites des fautes volontairement pour rétablir l’équilibre des sexes. »

Que dites-vous des propositions de l’Euguélionne? Personnellement, j'adore ça. D'ailleurs, j'aime beaucoup le nouveau mot « autrice » VS « auteure ». Il ne s’agit plus d’ajouter un « e » (muet) à un terme typiquement masculin, mais de lui donner sa propre identité. Vivement une féminisation de la langue française ou, mieux encore, le couronnement de règles grammaticales neutres et inclusives.

Crédit : Les Libraires
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