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Belles, bonnes et pas chères : le féminisme en 2012 (???)

Avec les assertions douteuses de François Legault sur le rapport des femmes à leur salaire, tout le débat de l’égalité hommes/femmes sur le marché du travail a brusquement refait surface, comme une épave dans un ressac. Si nous, Y et fringantes, croyions que nos mères et nos grand-mères avaient « réglé le cas » de l’inégalité des chances sur le marché du travail, les présupposés de certains me heurtent comme un baffe en pleine gueule.

Les femmes seraient-elles, encore aujourd’hui, nées pour un petit pain? Par choix, en plus? Le féminisme nous aurait-il menti, en nous laissant miroiter que nous, femmes, pouvions « tout avoir », des flos à la grosse job, en passant par l’âme charitable?

Bien triste constat : on n’est pas sorties du bois.

Si on nous enseigne à devenir à la fois des superwomen ultra émancipées et des futures mères attentives, à quoi la société nous confronte-t-elle, dans le concret des choses?
D’abord, comme nous l’aura appris l’histoire du tweet de François Legault, nous avons encore énormément de chemin à franchir avant de faire table rase des préjugés qui légitimisent l’iniquité salariale. « Oui mais les femmes choisiiiiiiiiiissent des plus petits salaires! C’est pouiche là là, mais c’est vrai… »

Suis-je la seule à trouver ce genre de discours pernicieux et hypocrite(NDLR: Non ma chère)?

Les femmes sont toujours à vau-l’eau entre les biberons, les couches et la compétition professionnelle féroce, qui valorise tout sauf les contraintes familiales et les disponibilités restreintes. Et pour couronner le tout, la société nous presse de plus en plus, jeunes femmes, de devenir des superwomen; au-delà de toute considération pratique ou de tout retard cumulé dans nos perceptions de la condition féminine, au Québec…

Mais en vertu de quel délire psychothronique peut-on vraisemblablement exiger des femmes qu’elles soient à la fois performantes, émancipées et fonceuses; tout en demeurant douces, présentes et, surtout, conciliantes quant au salaire qu’on daigne leur offrir?

« Les femmes, elles sont comme ça. Elles sont plus résilientes quant à leur salaire. Pas qu’elles sont moins bonnes, là! Elles trouvent juste leur satisfaction ailleurs. »

Ô combien noble!  C’est bien connu : les femmes ont besoin de nourrir leur âme bien avant leur famille! C’est chose d’homme, ça… Parce que oui, les gens, c’est ce que ce présupposé que la « résilience naturelle des femmes » induit. Être belle, bonne, pas chère et heureuse d’être contente : c’est ça, le féminisme, en 2012?

C’est épouvantable. Franchement. Surtout lorsqu’on réalise que les impératifs professionnels et sociaux sont tout sauf cléments à notre égard…

J’ai 20 ans. Je suis une jeune femme. La pression de la réussite professionnelle me talonne déjà à m’en faire faire de l’angoisse, et je redoute le moment où, dans quelques années, mon horloge biologique me fera crier : «ENWÈYE FAIS-MOI UN BABE! » Parce qu’est-ce qu’il me faudra choisir, à ce moment? Peut-on réellement tout avoir? C’est un autre truc, ça. Parce que si le féminisme nous aura inculqué le droit vouloir tout concilier, les balises horaires de la vie en général n’en sont pas devenues miraculeusement plus extensibles. C’est précisément ce que dénonçait l’ex-directrice de la planification au département d’État à Washington, Anne-Marie Slaughter, dans son article controversé Why Women Still Can’t Have it All (The Atlantic)

Fin juin, elle brisait radicalement l’illusion de la conciliation travail-famille. Non, en 2012, ça ne serait toujours pas possible de jongler allègrement avec les responsabilités professionnelles et les impératifs familiaux (ouais, bon). Selon elle, les femmes qui réussissent à être simultanément mères et top professionnals sont soit :

  • Surhumaines,
  • Indépendantes de fortune
  • S’emploient elles-mêmes.
  • Point, barre.

Cet article bouillant de ressentiment a créé tout un tollé, ne serait-ce qu’à cause de son titre; vous vous en doutez. C’est que pour le coup, le cri du cœur ne provenait pas d’une femme au foyer en mal d’épanouissement professionnel, mais bien d’une femme de carrière avérée, « one of these women at the top ». Onde de choc.

Anne-Marie Slaughter est une avocate en droit international et une politicologue reconnue, s’illustrant fréquemment dans les médias avec ses commentaires politiques et ses analyses des relations internationales. Aussi (et surtout), elle a été la première femme a occuper le prestigieux poste de directrice de la planification au département d’État, à Washington (pour Hillary Clinton), poste qu’elle aura d’ailleurs résigné; croulant sous le poids du double fardeau famille + responsabilités professionnelles.

Et c’est cette reddition qui l’aura poussée à endosser un fardeau supplémentaire considérable : celui de dénoncer la fiction du have-it-all feminism. 

Mais où est la brèche, véritablement? Qu’est-ce qui nous a échappé, dans notre ferveur féministe des cinquante dernières années, pour que nous nous butions à cet écueil démoralisant?

Eh bien justement, les aveux misérabilistes qu’on gobe par apathie, tels que : « les femmes, de nature, se contentent de moins » font partie intégrante des brèches de la grande fresque féministe. 

Et on fait quoi, maintenant?

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