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Relation abusive : ces gestes et mots irréparables
Crédit: Unsplash

J’ai la chance de venir d’une bonne famille, d’avoir eu des parents aimants et même si ça n’a pas toujours été facile, une belle enfance. Adolescente, j’ai eu quelques histoires d’amour sans importance jusqu’à ce que je rencontre mon copain qui a changé ma vie. Je ne l’oublierai jamais, sûrement pas pour les raisons que je me serais imaginées quand je l’ai rencontré.

Tout de lui, à première vue, me semblait normal. Un garçon un an plus vieux qui me donnait l’impression que j’étais parfaite et qui faisait s’envoler mes complexes de jeune fille tourmentée mal dans sa peau. Nous nous sommes embarqués dans une relation fusionnelle assez rapidement.

Je ne connaissais pas grand-chose aux relations sentimentales comme sexuelles. Il avait déjà de l’expérience et je lui ai fait confiance aveuglément. Je l’aimais.

Rapidement, je me suis sentie prise au piège. Je me disais que l’amour, c’était comme ça. Un peu par inexpérience, un peu aussi parce qu’on a tendance à idéaliser les couples complexes, à dire que l’amour est douloureux.

Il habitait loin de chez moi et tenait donc à ce que je passe au moins une heure chaque soir au téléphone avec lui. Si, un soir, je disais que je ne pouvais pas, il menaçait de se suicider parce qu’il m’aimait trop. Même chose si je ne pouvais pas le voir une fin de semaine. Nous passions systématiquement toutes nos fins de semaine ensemble et je ne pouvais jamais voir mes amies sans lui. À force, j’ai pratiquement perdu toutes mes amies. J’étais coupée de ma famille, de mes amies, je n’avais que lui.

Mon anxiété et mes épisodes dépressifs l’énervaient, il me répétait souvent que j’étais folle, incapable de fonctionner en société, que j’avais de la chance de l’avoir. J’étais vulnérable, il était manipulateur et je le croyais.

Il avait des problèmes d’agressivité et il me blâmait pour ça, comme si c'était de ma faute. C’était moi qui le fâchais, c’était moi qui devais subir. Durant ces moments d’agressivité, il m’a violée plusieurs fois. Il me plaquait contre le lit et s’insérait en moi, là où il le voulait, pendant que je lui disais d’arrêter, que je pleurais.

J’ai vraiment eu de la difficulté à me sortir de cette relation. Premièrement, parce que je n’avais personne d’autre. Deuxièmement, parce que malgré tout, j’étais attachée. C’est dur d’expliquer pourquoi.

Un an après notre rupture, il m’a encore agressée. Je l’ai dénoncé et j’ai fini par retirer ma dénonciation parce qu’il me l’a fermement demandé. Un an plus tard, il avait toujours cette emprise sur moi, le pouvoir de me faire agir selon ses désirs. Il a dit à tout le monde que j’étais folle, il a dit à plusieurs personnes beaucoup de détails de ma vie privée, intime.

J’ai été brisée. Détruite.

Après plusieurs années à maintenir les ponts coupés et beaucoup de support et d’amour, j’ai réussi à aller mieux, mais la blessure est toujours là, enfouie. Je ne suis pas encore capable de revisiter chaque scène, d’en parler vraiment. Lorsque les images ressurgissent dans ma tête sans prévenir, la panique s’empare encore de moi.

La blessure sera toujours là. Il n’y a rien qui ne puisse réparer de tels gestes.

Cet automne, j’ai reçu une lettre d’excuse de sa part. Je n’ai pas été capable de faire autre chose que de l’envoyer chier. Il n’y a aucune excuse assez bonne pour effacer ce qui a été fait. Pour la première fois de ma vie, j’ai eu l’impression d’avoir un peu de pouvoir dans cette situation et ça m’a fait du bien.

Même si c’est extrêmement difficile, c’est important de parler de ces choses-là. Il faut dénoncer, toujours et encore, parce que ça arrive plus souvent qu’on ne peut le penser. Aucun geste abusif ne doit être toléré, aussi minime qu’il puisse paraître. Lorsqu’on en a la force, il faut s’encourager à ne plus se taire. Surtout, il faut croire les survivant.es et ne jamais se croiser les bras. 

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