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Toi et ta violence

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Toi et ta violence
Crédit: Unsplash

Voici ce qui m’est arrivé et comment je me suis laissée prendre dans une relation malsaine pendant plus de 5 ans. Les premiers signes de violence sont anodins et peuvent même sembler romantiques, mais ils n’ont servi qu’à mettre les bases pour m’asservir davantage et installer le cycle de la violence. Pour vous mettre en contexte, à l’époque, je n’avais pas 20 ans, je venais de quitter la maison familiale et j’habitais dans une ville où je ne connaissais personne. Je n’avais plus de repères. Je l’ai rencontré à mon travail et ç’a tout de suite cliqué. Au début de la relation, je voulais prendre mon temps, parce qu’il venait de se séparer. Mais lui, non. Pour lui, c’était important de s’investir, de se confier, de se donner à l’autre et de se dire je t’aime.

 

Il a commencé par envahir mon espace personnel dès le début de la relation. Il laissait toujours des objets lui appartenant dans mon appartement pour avoir une raison et être « obligé » de revenir chez moi sans que je puisse refuser. Il ne respectait pas non plus mon besoin d’intimité et arrivait à n’importe quel moment, même quand je lui signifiais que je voulais rester seule. Il faisait exprès d’arriver à l’improviste pour voir ce que je faisais, il ne comprenait pas que je pouvais vouloir passer une soirée sans lui.  Quand on était ensemble, il mettait de l’avant ses réussites, me laissant savoir que je passerais vraiment à côté de quelque chose si je ne le fréquentais pas. Il m’a dit je t’aime tellement rapidement; je pensais vivre un amour unique, une première vraie relation passionnée.

 

Il est important de comprendre qu’au départ, j’étais dépassée par la situation et qu’après seulement quelque temps à être officiellement en couple, il m’a finalement quittée. J’avoue qu’à ce moment, je ne comprenais pas trop ce qui se passait. Comment pouvait-il me laisser après tout ce qu’il m’avait dit et tout ce que je lui avais confié? Après des mois de fréquentation tumultueuse, on and off, il a finalement décidé de revenir avec moi. Plusieurs tactiques lui ont permis de s’ancrer dans ma vie et de me déraciner de tout ce qui m’entourait.

 

Il dénigrait tout le temps mon entourage (amis et famille) pour que je me remette en question, que je m’isole davantage, en faisant des crises, en me disait qu’ils étaient tous cons, que j’étais comme eux. Il était la seule personne intelligente et sensée dans mon entourage et j’étais chanceuse de l’avoir dans ma vie.  Il était là, heureusement, pour m’ouvrir les yeux, le seul à pouvoir m’aider à devenir quelqu’un de respectable. Ça semble peut-être clair pour vous qu’un signal d’alarme est évident ici, mais la façon dont il s’exprimait ne me laissait pas la possibilité de réfuter ses propos. Il détenait la vérité absolue, et comme j’étais seule, personne ne pouvait venir contre-balancer ses paroles.

 

Il a commencé à me faire mal physiquement, sans trop que je m’en rende compte. C’est arrivé de manière insidieuse, des coups qui se font sur le dos de la blague. Dans les parties génitales, comme un jeu que je ne gagnerais jamais. Il me crachait dessus sans aucune raison; il trouvait ça drôle. Pour lui, c’était de la moquerie et si je lui signifiais que je n’étais pas confortable avec ça, il me disait que c’était de ma faute parce que je n’avais pas d’humour.

 

Il fouillait dans mes affaires, prenait mes journaux intimes et les pillait pour les lires à voix haute et en rire devant moi. Il me signifiait que je n’aurais plus d’espace à moi, toutes mes pensées devaient être entièrement reliées à lui. De toute façon, j’étais trop conne pour réfléchir par moi-même. Il faisait des crises si je regardais un gars trop longtemps, si un ami me textait. Il pouvait partir des jours et ne plus me répondre, puis revenir en disant que c’était de ma faute et que je lui jouais dans le dos. Toutes ses ex lui avaient fait ça, pourquoi j’aurais été différente?

 

Il faisait de plus en plus de crises pour n’importe quoi; il n’aimait pas comment je m’habillais ni mon travail. Il me rendait service, selon lui, puisque je n’avais pas l’intelligence pour voir que j’avais l’air folle. Je ne devais pas lui faire honte ou le mettre dans l’ombre. Je devais être un trophée que les autres pourraient admirer pour bien le faire paraître. L’attention devait toujours être portée sur lui, il me dénigrait à chaque fois qu’elle déviait sur moi, je devais lui céder l’espace, l’air qui lui revenait. Il menaçait de me laisser chaque fois que je n’agissais pas comme il voulait (c’est-à-dire tout le temps).

 

Le but était de me retirer toute identité et que la seule personne importante dans ma vie serait lui et il voyait ça comme un privilège qu’il m’offrait. Il faisait semblant d’être malade pour que je sois bienveillante avec lui et pour m’empêcher de faire des activités qui ne le mettraient pas en valeur. Il me faisait culpabiliser pour le moindre de mes gestes. Mais lui, il pouvait sortir et il pouvait séduire d’autres filles, pour se valider, se valoriser; l’important était surtout que je comprenne que je n’étais là que pour combler son besoin de solitude, jusqu’à ce qu’il trouve mieux.

 

Je vous dirais qu’à ce moment, j’avais au moins perdu 30 livres en quelques mois. Mon niveau d’anxiété était dans le tapis, je n’avais plus conscience de ma valeur, de qui était mes véritables alliés et de ce que je pouvais faire. D’une part, parce que rien de tout ça ne paraissait et d’autre part, parce qu’on avait l’air du couple parfait. Les tactiques suivantes sont celles qui m’ont marquée le plus, parce qu’après m’avoir déracinée, il n’avait plus à intervenir. J’étais conditionnée à sa violence, je la recréais moi-même, sans m’en rendre compte. J’ai commencé à me frapper à la tête, parce que je ne savais pas comment gérer ces émotions.

 

Il ridiculisait et diminuait TOUTES mes émotions parce que les seules qui étaient légitimes, selon lui, devaient être liées à lui. Face à mes émotions, il ne ressentait que de la colère ou de l’indifférence. Quand je m’ouvrais à lui, il se servait de mes confidences contre moi, pour m’humilier. Il se mettait en colère après moi chaque fois où j’osais lui reprocher quelque chose. Il me rappelait qu’à la base, tout était de ma faute. J’étais la cause de tous ses échecs.

 

Il m’humiliait dans l’intimité pour prendre le contrôle sur mon corps, pour que je ne me sente plus désirable, pour que je me trouve dégueulasse. De toute façon, j’étais trop grosse. Il ne pouvait pas avoir tort et si je le contredisais, il se servait de mes faiblesses pour me faire taire. Il ne me respectait pas sexuellement, il me faisait mal, il me rendait inconfortable. Pour lui, ce n’était jamais assez, je ne le satisfaisais pas et il m’humiliait publiquement sur ma sexualité. Si je ne voulais pas avoir de rapport sexuel, il se mettait en colère, il me faisait culpabiliser de ne pas le satisfaire.

 

Il était la seule ressource que j’avais. Je le voyais comme la seule personne que je méritais. J’avais tellement peur de son rejet, de la réputation qu’il pouvait me faire par la suite. La seule chose que je voulais était de disparaître. Tout cela s’est passé avant le mouvement #MeToo, avant la discussion sociale sur le consentement. Maintenant, la discussion et les ressources sont là et il faut continuer à en parler, à dénoncer ces comportements.

 

Finalement, j’ai réussi à le quitter, avec de l’aide. En ce moment, ce texte est anonyme parce que je pourrais être accusée de diffamation si mon nom est révélé. Ce que j’en comprends, c’est que ma vérité n’est pas la vérité aux yeux de la loi. Non, je n’ai pas de preuve et chacun vit sa vie depuis. Il n’y a pas de manière constructive, selon moi, de vivre avec ça; je ne peux que raconter ce que j’ai vécu, en ayant en tête que lui a une autre version, mais ce qui s’est passé ne me définit pas et ne me définira jamais.

 

La façon de me libérer est de laisser ces mots ici, pour qu’une personne qui vit cette situation se sente entendue. Je t’entends, je te vois et je te supporte, tu n’es pas seul.e. Il faut continuer à sensibiliser, à s’indigner et à raconter pour que ça ne se reproduise plus.

 

 

Vous pouvez contacter SOS Violence Conjugale gratuitement et de manière anonyme au

1 800 363-9010

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