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Chers trolls, vous ne réussirez pas à nous faire taire, promis!
Crédit: Montage Josiane Stratis

Dans la dernière semaine, trois femmes considérées comme des voix fortes ont décidé d’arrêter leur travail de chroniqueuses dans certains médias pour diverses raisons. Il s'agit de Geneviève Pettersen, Judith Lussier, et Manal Drissi. Elles ne se retirent pas de toutes les chroniques, mais de certaines tribunes seulement. 

Trois femmes que j’aimais beaucoup et avec lesquelles je n'étais pas toujours d'accord mais qui permettaient de parler de divers sujets, de confronter nos idées et de faire en sorte qu’on pouvait voir d’autres points de vue face à certains événements. Je n’étais pas pluguée à leur fil Facebook toute la journée, mais disons que j’attrapais quand même avec joie leurs écrits, quand je les voyais passer. 

Ce sont toutes des personnes avec qui j’ai déjà eu des conversations, à qui j’ai déjà fait des câlins, même. Je sais que ce qu'elles disaient n'était pas parfait ~ de toute façon, qui n’est pas en évolution, ici, dedans ~, mais ça lançait une discussion qui faisait évoluer mes idées. 

Un backlash impossible à éviter
Ça me fait toujours de la peine quand une femme décide d’arrêter de donner son opinion. Bon, peut-être que si Sophie Durocher arrêtait d’écrire ses chroniques, mon premier sentiment serait la joie, mais si elle arrêtait à cause d'attaques sur son intégrité physique ou son genre plutôt que sur ses idées pas toujours cohérentes, ça me ferait de la peine. Je profiterais quand même de cette offre de petites vacances. Quand même. 

Je veux dire, je sais ce que c’est d'avoir des opinions sur Internet : ça fait mal. On m’a déjà dit que je m’étais fait « raped » par un texte parce que j’y avais été un peu fort sur les jokes pour parler des difficultés de la Semaine de la mode de Québec pour devenir un pilier international de la mode. On m’a même menacé de ne plus pouvoir me promener à Québec sans avoir peur. Des personnes m’ont traité de tous les noms. Pis on s’entend, j’avais fait une joke de poutine un peu trop fort. Je me suis excusée, pis quatre ans plus tard, j’en reviens pas de la violence des propos. 

L’affaire, c’est que quand que tu es une fille, peu importe ce que tu racontes, tu deviens une cible pour te faire rentrer dedans, pour que tu te la fermes. En plus, c’est même pas une question de genre, les femmes sont aussi violentes que les hommes dans leurs propos contre les autres femmes #MisogynieInternalisée #Patriarcat. Suffit qu’on montre nos ventres sur TPL Moms pour qu’une gang de mesdames nous disent qu’on devrait avoir honte DE CHERCHER L’ATTENTION DE MÊME. 

Encore pire chez les personnes « racisées »
En ce moment, il faut se rendre compte que, même si on vit de la violence, la plupart des femmes qui prennent la parole sont blanches. Je veux dire, c'est pas tellement un big deal, sauf quand on se compare aux personnes racisées. Elles n'ont pas la chance de se faire écouter autant, elles n'ont pas autant accès à ces tribunes pour expliquer leur vécu et dénoncer la violence quotidienne qu'elles vivent. 

Quand mon amie Kaligirwa Namahoro dénonce des propos racistes, chaque jour de sa vie, pour montrer ce qu'elle vit, elle subit des menaces qui mettent en jeu sa sécurité. Si elle dénonce ensuite ces propos violents, elle se fait encore menacer de recevoir une mise en demeure. Quand Dalila Awada va parler du fait que des femmes musulmanes portent le voile et vivent de la violence, elle reçoit des propos aussi intenses. Une femme a même commenté une vieille photo de Dalila pour dire que ça n'avait pas de bon sens qu'elle se paie des vacances en tant qu'étudiante. J'ai jamais vu ça sur une photo de femme blanche. 

En plus, les femmes racisées sont vraiment moins reconnues dans toutes les luttes et ce sont les femmes blanches qui reçoivent le mérite, tout en se faisant protéger et écouter plus que les personnes racisées. 

Une violence ordinaire
Ce qui me fatigue le plus là-dedans, je pense, c’est pas la violence des trolls, à la limite, fuck, je les bloque. J’ai pas de temps ni d’énergie à mettre pour des personnes qui pensent que la violence est une solution aux idées qui déplaisent. Je trouve ça fondamentalement irresponsable de propager la haine de la sorte, mais ce sont les personnes qui ont cette attitude qui sont les pires. C'est ma façon de dealer avec elles, ça et prendre le temps de les dénoncer aussi. 

Ce qui me fatigue LE PLUS et qui me gosse LE PLUS, c’est qu'à chaque pas qu’on fait, les femmes, les communautés marginalisées et toutes les autres personnes qui ne sont pas traitées comme les égales des hommes blancs cis, eh bien, on découvre que c’est encore pire qu’on le croyait. On n'est pas égales, on n'est pas safes non plus. 

Il y a des jours où je trouve ça fatigant de m'éduquer sur les enjeux sociaux qui m'entourent. Genre, c'est épuisant, oui, mais ça le serait encore plus si on me demandait d'éduquer en plus tout le monde et que, par le fait même, je devrais avoir peur pour ma sécurité.

J’ai pas envie d’être gentille, je suis tannée qu’on nous ferme. Je me suis fait mettre sous silence trop souvent dans ma vie par mes propres parents et par tout le monde pour ne pas avoir l’énergie de me battre et d’accompagner les autres personnes qui ont quelque chose à dire, de le dire encore plus haut et encore plus fort. 

S’il y a une seule chose dont je suis sûre, c’est que des femmes qui arrêtent de parler, ça fait des années que ça arrive, ça fait des années que ça met le feu aux poudres pour donner la force à d’autres de ne pas se taire. Et ça fait des années qu’on se donne la touch, qu’on change de trio pour continuer à jouer le jeu. Et je suis pas mal certaine qu’un jour, on va gagner. 
 

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