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Féminisme Ink : Entrevue avec l’artiste tatoueuse montréalaise Emilie Bessette
Crédit: Emilie Bessette

Rencontre dans Hochelaga-Maisonneuve avec Emilie Bessette, dans un univers doux où pop stars et sorcières se rencontrent quotidiennement.

Ton premier tatouage…
Un papillon sur moi-même… M’installer a été vraiment long!
 
Un tatouage qui t’as marquée…
Pour moi, les dessins abstraits sont un challenge. Je fais parfois jusqu’à vingt dessins avant d’en envoyer un.
 
Ta pire expérience de tatouage…
C’était lors d’un événement flash, c’était un homme très insistant. Il voulait ajouter et modifier le design du flash que j'avais dessiné. Il ne m’a pas adressé la parole pendant les trois heures qu’ont duré son tatouage ; il n’avait pas du tout conscience de ma place comme tatoueuse dans ce processus. Il tenait des discussions insignifiantes avec son amie fille, mais parlait de politique avec son ami garçon. Pour moi, c'était la première fois que cette inégalité était aussi frappante.
 
As-tu déjà refusé de tatouer quelqu’un.e?
Je n’ai pas envie de tatouer n’importe qui ; je prends le temps de choisir les projets. Parfois, les gens abandonnent et choisissent d’être tatoués par d’autres personnes. Par contre, je trouve ridicule de refuser de tatouer certains corps ; toutes les peaux sont différentes.
 
Quel est le processus pour se faire tatouer par toi?
J’offre toujours la possibilité de se rencontrer ou de discuter par divers moyens de communications. J’offre aussi de voir l’espace. Je propose d’expliquer les techniques utilisées et je demande souvent si la personne a des questions. Les idées changent, alors je m’assure de savoir si le projet a évolué, si elle a toujours envie… Je ne veux pas que les gens ressentent de la pression à se faire tatouer. Je sais que c’est difficile de communiquer les changements, alors quand j’envoie des dessins, je demande toujours des commentaires. Pour moi, c’est un moment stressant quand je ne reçois pas de réponse suite à l’envoi d’un premier dessin!
 


 Crédit : badbitchestattoos/Instagram

Quelle est la relation idéale qu’entretiennent tatoueuse et client.e?
J’aime rencontrer les gens avant la journée du tatouage pour établir un lien de confiance, montrer des images et des dessins : c’est important de bien réussir à se comprendre. C’est un projet commun aux deux personnes. J’aime que la personne manifeste un intérêt pour ce que je fais, pour moi, et non uniquement pour le tatouage. J’apprécie qu’elle ait conscience du travail créatif demandé.

Pourquoi travailler chez toi?
Mon idéal n’est pas de tatouer chez moi. C’est toujours un stress d’inviter des gens que je ne connais pas : mon appart' doit à la fois rester un safe space pour moi et devenir un safe space pour eux. Par contre, ça me permet d’offrir des tatouages pas trop chers, beaucoup plus accessibles.
 
Pourquoi ne pas travailler dans un salon?
Dès que j’ai acheté ma première machine, je savais que je ne voulais pas travailler dans un salon. Ce sont des endroits très masculins et parfois intimidants. J’avais peur d’entrer dans ce type de milieu et de devoir me battre continuellement. Travailler chez moi, ça me permet beaucoup plus de sensibilité à comprendre le tatouage à l’extérieur du concept de transaction. Je peux établir une relation de confiance avec la personne tatouée. Le tatouage n’est pas juste cute, c’est aussi très intime… Je peux avoir des discussions plus compréhensives sur la charge que le tatouage a.
 

Crédit : badbitchestattoos/Instagram

 
Flash ou customs?
Je dessine des flashs quand j’ai le temps et j’ai envie de dessiner, mais les customs permettent de rendre les tatouages plus accessibles. C’est un challenge créatif.
 
Comment être féministe se traduit dans ton travail?
Tatouer, comme femme, est en soi un acte féministe. Je travaille chez moi, de façon autonome, sans patron. Je tatoue beaucoup de femmes et de personnes queer et très peu d’hommes cis… Je demande plusieurs fois le consentement avant et pendant le tatouage ; comme féministe, ça fait partie de mes réflexions. Je pense aussi avoir une approche plus sensible à l’importance du tatouage et de la signification que le corps a. Le tatouage, ça peut être un acte d’empowerment.
 
Quelle est la relation entre l’empowerment et le tatouage?
C’est de choisir de mettre ce qu’on veut sur notre corps, sans l’avis des autres. Le tatouage est un moyen facile de se présenter aux autres.
 


Crédit : badbitchestattoos/Instagram

Pour suivre le travail d'Emilie sur Instagram, c'est ici!

Pour lire les deux premières entrevues de la série Féminisme Ink : Sabrina Avakian et Camille Francoeur-Caron.

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