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La culpabilité, ce fléau qui ronge
Crédit: Cynthia Magana/Unsplash

Coupable. Ce mot résonne en moi constamment. Comme s’il me décrivait. Comme si Coupable était une personne, et que cette personne était moi. Coupable, c’est aussi un sentiment qui m’habite en permanence. Je suis toujours coupable de quelque chose.

Tout a commencé, je devais avoir quatre ou cinq ans. La petite voisine voulait que j’aille jouer avec elle. Je ne pouvais pas, parce que mes parents avaient d’autres plans pour la famille. La petite voisine était déçue. Elle m’a craché un : « C’est ça, vas-y, avec tes parents! » avant de me raccrocher au nez.

Si j’avais su… Ce n’était qu’un début.

À quinze ans, je vivais ma première peine d’amour. Mon ex s’était mis à sortir avec ma meilleure amie de l’époque. C’était sûrement ma faute parce que, si je n’étais pas aussi nulle, mon ex ne m’aurait pas laissée. Puis, à force d’être triste, aucun de mes amis n’avait envie de passer du temps avec moi. Il fallait que je passe à autre chose, c’est tout.

Dix-sept ans : j’avais un copain depuis un moment, dans lequel je m’oubliais complètement. C’était lui le centre de ma vie. Et je crois qu’il le savait. Certaines soirées, il me chassait de chez lui parce qu’on lui proposait quelque chose de plus intéressant que d’être avec moi. Et je repartais, tout sourire. La blonde parfaite, quoi. La reine des cruches.

J’agissais ainsi parce que j’avais peur de le perdre. Je ne voulais pas qu’il cesse de retourner mes appels, comme l’avait fait la petite voisine. Alors, j’essuyais d’un revers de main des remarques du genre : « T’es pas venue à ma game de hockey? » alors que je n’avais rien promis. Ou encore : « C’est ça, trouve-toi une job, qu’on se voit jamais. » Il venait lui-même de trouver un emploi avec des quarts de travail de douze heures.

Aujourd’hui, je vous rassure, je suis heureuse en couple. J’ai de bons amis, aussi. Mais la culpabilité continue de me suivre, comme un petit nuage au-dessus de ma tête. Elle fait maintenant partie de moi. Je m’excuse pour tout, tout le temps. C’est même irritant pour les autres. Alors, je m’excuse encore. C’est toujours de ma faute, de toute façon.

Je me sens coupable de profiter du temps que mon amoureux n’est pas à la maison. Je me sens coupable d’apprécier son absence et faire des choses que j’aime. Ça ne m’empêche pas d’avoir le cœur serré chaque fois que j’ai une faveur à lui demander. Je devrais être une femme forte et indépendante. Je m’excuse de lui demander, même s’il exauce tous mes vœux avec plaisir.

Quand j’ai été choisie pour être collaboratrice chez Ton petit look, j’ai été heureuse, fière, puis… coupable. J’ai eu peur d’être moins disponible pour mon copain. Je me suis dit que si on se laissait, ce serait ma faute. Quelle ingrate j’étais de faire quelque chose pour moi et uniquement pour moi. Heureusement, ce sentiment n'a pas duré.

Des exemples comme ça, j’en ai des dizaines. Ce sont toutes ces petites choses qui, à elles seules, ont créé le petit monstre qui parasite mes joies. Vous ne le voyez pas. Pourtant il est là, sur mon épaule.

Je me suis offert un lunch dans un café. Je voulais économiser, cette semaine. Coupable.

Je ne suis pas allée courir, hier matin. Je n’en avais pas envie, même si c’était la seule journée ensoleillée de la semaine. Coupable.

J’ai dégusté une tablette de chocolat et je ne suis pas allée courir de la semaine. Coupable!

On fait quelque chose qui me déplaît et je le verbalise. On n’aime pas la façon dont je parle. COUPABLE!

Je me bats en permanence contre ce mot qui me ronge. C’est un combat de longue haleine que je finirai, j’espère, par remporter. Si aujourd’hui je courbe encore le dos, c’est pour mieux relever la tête demain.

Oui, je suis fatiguée de me battre. Mais il faut continuer. Mon carburant, c’est mon ras-le-bol aigu de ce mot. Je ne veux plus être coupable de mes succès, de mon bonheur ou de ma simple existence.

Ça fait un quart de siècle que je me fais toute petite pour les autres. Sauf qu’aujourd’hui, je n’ai plus besoin de faire ça. Je suis entourée de gens que j’aime et qui m’aiment. Je suis prête à prendre ma place.

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