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Les sœurs David et les femmes en politique
Crédit: isa.cote/Instagram

Il y a de cela quelques jours, j’ai eu la chance d’assister à une conférence des sœurs Hélène et Françoise David sur la place des femmes en politique. Je rappelle qu’Hélène David est Ministre responsable de l’Enseignement supérieur et également Ministre responsable de la Condition féminine, tandis que Françoise a été présidente de la Fédération des femmes du Québec, puis députée pour Québec Solidaire avant de se retirer en 2017. Je vous offre un petit compte-rendu de ce que ces femmes pensent du dossier des femmes en politique.

À la question « Pensez-vous qu'il existe une discrimination sexuelle en politique, un conditionnement sociétaire qui affaiblit l'image de pouvoir politique féminin? », les sœurs ont catégoriquement répondu que oui. Hélène David a expliqué que les femmes ont des siècles à reprendre, et que ce féminisme est relativement nouveau et est « une goutte d’eau dans l’océan du temps », pour reprendre ses mots. Elle ajoute que la politique est un métier non traditionnel et que les hommes sont habitués d’avoir du pouvoir, la politique n’étant qu’un jeu de pouvoir. Elle conclut donc en disant que oui, il y a une discrimination systémique des femmes en politique.

À la question « Devrions-nous rendre la parité obligatoire en politique? », les sœurs David se sont vues répondre avec plus de nuance. Françoise a exprimé son malaise face au concept de la parité et des quotas. Selon elle, on ne devrait pas avoir besoin de règles pour accéder à l’égalité, mais devant les nombreuses injustices auxquelles elle doit faire face, elle se dit avoir déchanté. Elle propose dorénavant une parité où ceux qui y accèdent sont récompensés, et non pas où ceux qui n’y accèdent pas sont punis. Françoise croit que c’est trop long avant d’obtenir des changements, et que cette parité obligatoire serait « le coup de barre » dont ont besoin les femmes. Hélène rajoute que pour que la parité en politique soit légitime, il faut placer celles-ci dans des comtés prenables, où les femmes ont vraiment des chances de remporter. Elle conclut en disant qu’elle estime qu’aujourd’hui, une minorité de femmes, ça passe de moins en moins, qu’il y a une sorte de réveil planétaire à ce sujet.
 
Concernant l’équité salariale, les sœurs David en avaient long à dire. Pour Françoise, l’équité salariale est une chose tandis que la présence des femmes dans les conseils d’administration et de pouvoir aller partout dans les lieux de pouvoir en est une autre. Actuellement, l’ensemble des femmes du Québec n’ont pas le même salaire, malgré qu’une loi ait passée à ce sujet (obligeant les entreprises ou sociétés de plus de 50 employé.e.s à une égalité – Françoise a d’ailleurs souligné que le fameux 50 employé.e.s est une clé importante. Ainsi, une égalité peut être plus remarquée dans les grandes entreprises). Or, Françoise explique qu’il y a une culture aussi qui est présente, une « culture du salariat ». Elle dit qu’on retrouve encore une majorité de femmes dans des emplois au salaire minimum, et que les femmes vont encore majoritairement dans des professions dites « féminines » où elles s’occupent des gens. Françoise explique qu’une infirmière débutante aura le même salaire qu’un minier dans le nord du Québec, ce qui est inacceptable. Elle affirme que s’occuper des gens est aussi important que de s’occuper des routes, et que le gouvernement doit cesser de penser que de s’occuper des gens ce n’est qu’une dépense, alors que de s’occuper des routes est un investissement. S’occuper des gens, c’est un investissement, dit-elle avec éloquence.

Les sœurs David ont discuté pendant quelque temps de la lettre de Manon Massé et de la dénonciation du Boy’s club en politique. Hélène David a affirmé appuyer Manon Massé, mais a beaucoup nuancé ses propos. Elle se dit d’accord avec le concept du Boy’s club, mais affirme que les choses ont beaucoup changé. C’est d’ailleurs lorsque ce sujet a été lancé que dans la salle qu'on a commencé à remarquer qu’Hélène David nuançait bien des choses… Françoise, de son côté, se disait généralement en appui aux propos de Manon Massé. Elle a tout de même voulu nommer quelques hommes politiques qui ont soutenu le mouvement des femmes (du moins en politique), comme Jacques Parizeau et Robert Bourassa, malgré le fait qu’elle-même, en nommant ces messieurs, semblait vouloir montrer une bonne foi tout en reconnaissant que leur apport au mouvement des femmes en politique est réel, certes, mais tout de même minime. Elle a rattrapé de sa fougue en concluant sur la question en disant que les grands mouvements des femmes partent toujours « de la base », comme elle l’a répété à maintes reprises par la suite : ce n’est pas les femmes en politique qui sont les instigatrices du changement, mais bel et bien la femme en tant que citoyenne.
 
Finalement, les sœurs David ont conclu leur conférence en discutant du mouvement #MeToo et #EtMaintenant (que Françoise David a cofondé). Hélène affirme que ceux-ci ont créé un ouragan social, et que dorénavant beaucoup d’hommes se « tiennent les fesses serrées ». « On a jamais eu un mouvement aussi important, ben cristie faisons quelque chose avec », ai-je entendu. Françoise s’est dite troublée par les nombreuses agressions qui ont fait surface. Elle était forcée de constater qu’on en était juste là, qu’on n’avait pas avancé tant que ça, finalement. Concernant les rapports homme/femme, elle a dit : « il y a un certain nombre d’hommes qui n’ont pas encore compris que la séduction peut être plus intéressante, plus respectueuse. » En effet, Françoise.
 
Le tout s’est conclu avec quelques questions du public. Plusieurs jeunes hommes avaient des questions. L’un d’eux a exprimé qu’il ne savait pas quoi faire devant le féminisme, en disant quelque chose qui ressemblait à : « c’est quoi, faut se tasser et laisser les femmes prendre toute la place? » Alors que j’étais fucking découragée par la question que je venais d’entendre, Françoise a su répondre avec brio que jamais il n’a été question de tasser les hommes, et que changer le rôle de la femme, ça se fait ensemble. Elle a terminé en disant : « le féminisme, c’est la cause des gens ».
 
Qu’est-ce qu’on peut tirer de cette conférence? Rien de vraiment nouveau. Mais j’ai senti que Françoise David avait réussi à calmer quelques jeunes hommes, et avec juste ça, j’étais satisfaite. Une chance qu’elle était là pour nuancer et apaiser l’audience suite aux propos parfois troublants d’Hélène David… Pour la Ministre de la Condition féminine, elle a étonnamment beaucoup de préjugés sur les femmes… Et ça dérange.

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