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Pourquoi je ne souhaite plus exposer ma santé mentale
Crédit: EzraJeffrey/Unsplash

Je ne tiens plus à parler des mes problèmes de santé mentale. Je préfère me limiter dans mes propos, pour préserver mon intimité et me protéger. Mon père m’a toujours avertie, que les gens qui ne vivent pas cette condition ne comprennent pas et que c’est mieux de garder ça pour soi. Au début, je le trouvais moralisateur et je ne l’écoutais pas. Sauf que contrairement à moi, ça fait plus de 20 ans qu’il vit avec ce jugement, pas toujours volontaire, mais quand même présent, de la part des gens neurotypiques. Et j’ai fini par réaliser qu’il avait raison.

De fil en aiguille, une confiance s’est installée au niveau de mon exposure sur Internet, en allant chercher une proximité virtuelle tout en étant de plus en plus à l’aise à être transparente sur mon news feed. Puis, j’ai fini par annoncer que j’étais bipolaire et que j’avais aussi un trouble d’anxiété généralisée. J’ai reçu beaucoup de soutien et d’amour, j’en revenais juste pas. J’avais peur qu’on m’accepte pas avec mes problèmes et qu’on juge ce que je peux traverser. Mais c’était tout le contraire qui se passait : mes ami.e.s, proches comme virtuels, me montraient leur soutien et me disaient que j’étais forte. Ça allait si bien que je me suis dit qu’il fallait continuer d’en parler, pour déstigmatiser les gens comme moi qui vivent avec des problèmes de santé mentale et pour déconstruire le tabou.

C’est précisément ce que j’ai fait dans les dernières années. Pour certain.e.s, c’est pas grand-chose, mais je dépensais beaucoup d’énergie sur le net comme dans la vraie vie pour informer les gens sur mes troubles avec naïveté, et aussi à écouter les autres, qui en souffrent également. J’avais enfin trouvé des gens qui pouvaient me comprendre, ça me soulageait. Plusieurs m’ont remerciée, parce que ça leur faisait du bien de voir des gens défendre notre condition, et ça leur permettait de se confier aussi, et même de s’accepter. Pis ça, que ça soit une ou 100 personnes, j’étais heureuse de faire une petite différence dans leur quotidien. Je me disais qu’en bout de ligne, mon labeur émotionnel payait et qu’on pouvait se soutenir dans notre communauté de gens malades.

Mais j’ai fini par réaliser que malgré ces belles choses, m’exposer me nuisait. Je dévoilais ma vulnérabilité sans pudeur, les gens hochaient la tête et semblaient être compréhensif.ve.s. Puis, j’entendais des remarques sur mon cas à l’école, ou dans mon propre cercle d’ami.e.s. Les neurotypiques finissent quasi toujours par se faire prendre par leur propres préjugés, puisque ce n’est pas une réalité qu’iels peuvent concevoir, et surtout, qu’iels ne vivent pas. J’ai essayé de les ignorer, mais ça fait mal. Des fois, c’était même pas sur moi, mais sur des ami.e.s qui étaient malades. Le ton méprisant sur lequel on affirmait que mon amie était rien qu’une dépressive, sans aucune empathie, ça me dégoûtait au plus haut point.

Quand j’avais du retard dans mes travaux, mon professeur se montrait compréhensif à mon égard. Pourtant, quand j’ai reçu sa correction, il ne semblait pas du tout se soucier de ma santé mentale avec le ton et les termes qu’il a utilisés pour corriger ma copie. Je savais que mes travaux étaient loin d’être les meilleurs que j’aie rédigés au sein de mon parcours universitaire, mais je faisais ce que je pouvais. Il n’a pas hésité à me dire que c’était une honte et que c’était médiocre, pour ne citer que ces deux remarques. Il n’y avait aucune pédagogie et aucun commentaire constructif ; juste du bashing gratuit. Il savait que je n’allais pas bien, et pourtant, il n’a pas hésité à me mettre à terre.

D’autres jugeaient mes médicaments, même si je ne leur demandais pas leur avis. Grâce à ces derniers, je peux être fonctionnelle, et j’irais même jusqu’à dire qu’ils m’ont sauvé la vie. On a souvent banalisé ce fait, et une fois de plus, on étouffait ma crédibilité. Comme si le fait que je vive avec une maladie mentale me rendait inapte comme individu. Idem pour ma non-consommation d’alcool. On me demande toujours pourquoi je ne bois pas. C’est fatigant, en toute franchise. Des fois, je prends même un verre juste pour m’accompagner, pour m’éviter tout questionnement, parce que y’a des soirs où j’ai juste pas envie d’en jaser.

Après avoir vécu autant de stigmatisation, comment peut-on faire confiance à notre environnement?

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